Gougnafier [ɡuɲafje] (n. m. FAM. COM.)
SYN. Trouduc.
La surannéisation de gougnafier pose un réel problème d’éthique sémantique.
Que le terme nous provienne d’un petit XIXᵉ (siècle, pas arrondissement) ne fait pratiquement aucun doute et suffit en soit à l’accueillir en surannéité.
Mais, le problème ne vient pas de là.
Qu’il ne soit plus usité à de rares exceptions rédactionnelles près qui constituent elles-mêmes l’expression de ce caractère suranné ne pose pas plus question. Non vraiment rien de cela.
Le gougnafier n’a pas disparu
Le problème véritable est que pour tout autant disparu qu’il soit, le gougnafier n’a pas disparu. Eh oui, c’est ce qu’on appelle « le paradoxe tempo-transactionnel du suranné contemporain », une notion technique que nous autres experts utilisons et que je vous expliquerai plus tard¹.
Le gougnafier pullule même en nos villes et nos campagnes.
Se vautrant avec délice dans la fange de sa médiocrité revendiquée, il parque sa voiture sur la place réservée aux porteurs de handicaps reconnus par la science (mais après tout peut-être devrait-il en être de même pour lui), il détourne le regard devant le silence quémandant de l’octogénaire fatiguée par la station debout qui ira ainsi valdinguer au premier coup de frein viril du pilote de bus, il s’attribue sans coup férir la prouesse professionnelle d’un plus modeste que lui.
Le gougnafier ne se reconnaît pas à son ramage c’est pourquoi le chasser est parfois compliqué. Seule l’attitude le démasque.
Et c’est bien là l’enjeu : comment le repérer avant ? Quels signes avant-coureurs de sa petitesse le débusqueront donc ? Un suintement frontal surabondant, une moiteur palmaire particulière, un regard fuyant ? Holà que non, bien au contraire. Le gougnafier est fier. Il porte haut le rustre, il revendique le bon à rien, il condescend le paltoquet, il dédaigne le goujat.
Et il existe tout autant en cachemire qu’en casquette à l’envers. Mais dans tous cas il ne mérite que mépris et coup de pied au cul.