[nabit pa a ladrès êdiké] (acron. COURR.)
Parfois le suranné s’affiche en acronyme. C’est rare mais ça arrive. Et, comme s’il en avait besoin, sa forme en sigle l’éloigne alors un peu plus des rives modernes, c’est ainsi.
Les quatre lettres de l’alphabet qui se succèdent pour former l’expression étudiée sont apposées sur une missive, qu’elle soit d’amour ou administrative, par une main anonyme pour signifier qu’untel ou unetelle aura officiellement déménagé à la cloche de bois ou tout au moins souhaité disparaître aux yeux de l’envoyeur.
NPAI pour N’habite Pas à l’Adresse Indiquée fait remarquer à l’écriveur combien il était prétentieux en imaginant un instant que ses mots en cursives pourraient faire l’objet d’une attention quelconque de la part du récipiendaire. Notons que dans le cas d’une injonction de payer par exemple un impôt le NPAI sera perçu (alors que la taxe ne le sera pas, elle) par les services compétents comme un formidable bras d’honneur anarchiste, la moindre des choses étant de signaler en permanence son lieu de résidence à l’administration en charge de la gabelle, bande de sacripants.
Cela dit, soyons précis : les raisons du non acheminement d’un courrier peuvent être multiples. L’absence de nom sur une boîte à lettres crée un NPAI, un 56 alors que je vis au 50 crée un NPAI, un chien n’appréciant que très peu la couleur de l’uniforme du facteur est aussi un motif de NPAI, et bien évidemment un refus simple et direct accompagné ou non d’une décharge de gros sel est un NPAI.
Le NPAI est tellement connecté aux années surannées qu’on le chantait en ces temps rock’n roll. C’est le King lui-même, sur des paroles de Winfield Scott et Otis Blackwell, qui nous le fredonnait de sa voix chaude et grave au cinéma dans Girls, girls, girls :
🎼🎶Return to sender, address unknown,
No such number, no such zone,
Return to sender🎶
Return to sender🎶
Return to sender🎶
Elvis nous donnait tout le blues de son Mississippi natal pour exprimer son chagrin d’amoureux éconduit par le simple retour de ses lettres enflammées portant un doigt pointé sur return to sender, retour à l’envoyeur ou NPAI comme on disait chez nous.
En 2009 la sous-direction aux acronymes de La Poste décide de remplacer NPAI par PND, pour Pli Non Distribuable. Mais l’expérience ne s’avérera guère concluante et à son tour le PND suivra NPAI au pays des signes incompris, remplacé par le très moderne REFLEX (restitution de l’information à l’expéditeur).
Le coup de grâce au style initial sera total avec l’avènement des bounces, formes électroniques de NPAI pour indiquer que même cette adresse mél n’a que faire de vos envois et que vous pouvez bien ranger vos sentiments. Rien que du bien moderne puisque désormais on se like ou s’unfollow d’un clic.