[pusé le kòSònè] (gr. verb. PÉTANQ.)
Il y a plusieurs sujets majeurs avec lesquels on ne plaisante pas dans l’hexagone.
Et l’on est d’autant moins dans la galéjade que lesdits sujets fournissent à la langue surannée des expressions ensoleillées ou du moins gouleyantes. Ainsi tout ce qui touche de près ou de loin à la pétanque est sacré.
Ce sport de boules (oui, la pétanque est un sport) qui se conçoit en tête-à-tête, doublettes ou triplettes¹ ne se pratique pas à la légère et fait l’objet d’un règlement drastique sur ses conditions de déroulement. Apprenez, si vous ne le saviez pas déjà, que le but, dit aussi cochonnet, doit être lancé à six mètres minimum et dix mètres maximum pour commencer la partie, et qu’il doit se trouver à un mètre minimum de tout obstacle et de la limite la plus proche d’un terrain interdit.
C’est le fameux article 7 sur les distances réglementaires pour le lancer du but, extrait du règlement officiel pour le sport de pétanque applicable sur l’ensemble des territoires des fédérations nationales membres de la FIPJP, qui a permis de créer pousser le cochonnet et nous l’en remercions, pour une fois qu’un règlement s’avère utile. Pousser le cochonnet est donc une exagération calculable en centimètres grâce à lui, ce qui nous change de pousser mémé dans les orties au paroxysme immensurable.
Ainsi pousser le cochonnet est originaire des terrains de terre meuble et non de la basse-cour comme il eût été tentant de le croire en voyant les gorets se pousser pour accéder aux mamelles nourricières de la truie.
Pousser le cochonnet connaît son heure de gloire avec les aventures au théâtre de Paris (400 représentations), de César et Marius qui se demandent s’il faut tirer ou pointer en 1931; un an plus tard au cinéma le succès se confirme pour Pagnol. La carrière de l’expression qui doit se dire avé l’assent est lancée. D’esclandre bouliste en esclandre bouliste, arrosée au Perniflard, elle suivra les congés payés du camping des Flots Bleus tout comme les people de la place des Lices de Saint-Tropez, confirmant que pousser le cochonnet est l’activité préférée des Français.
Le premier choc pétrolier et la disparition de Marcel Pagnol en 1974 sonnent conjointement la fin de la récréation. On entre dans un siècle moderne où pousser le cochonnet est du plus mauvais effet. La tempérance devient maîtresse partout, l’eau tiède coule à flots, on n’est plus là pour rigoler.
C’est sans doute bien.
Mais qu’est-ce qu’on s’ennuie.