[pudre de pèrlêpêpê] (gr. n. PHARMA.)
Devant m, b, p, le n devient m. Sauf : bonbon, bonbonne, bonbonnière, embonpoint, néanmoins. D’accord c’est loin, ça date du CE2, époque désormais surannée, mais admettez que ça résonne encore comme un comptine. Devant m, b, p, le n devient m. Devant m, b, p, le n devient m.
Mais voilà : on ne vous a pas tout appris.
Il est une exception supplémentaire qu’on a voulu cacher, trop insurrectionnelle sans doute car propre à faire vaciller les fonts baptismaux (et les fonds de pension) de la pharmacopée moderne et de ses poudres et onguents ! Oui, amis, il n’est point de mots trop forts pour dénoncer le sort réservé à la poudre de perlimpinpin.
Pourtant calquée sur le bonhomme embonpoint qui respecte la règle une fois sur deux avec son m devant son b et son n refusant la mutation en m alors qu’il campe devant un p, la poudre de perlimpinpin s’est vue exclue de la liste des exceptions. Demandons-nous pourquoi. Pourquoi cette expression qui pointe du doigt bonimenteurs palabreurs et charlatans d’antan avec leurs poudres guérisseuses de tous les maux s’est-elle vue recalée par la grammaire assujettie aux mains des dominants ? Et pourquoi la sage langue populaire a-t-elle souhaité en contrepoint lui conférer une place de choix ?
C’est qu’elle dérange la poudre de perlimpinpin avec son arrogance moqueuse qui résiste aux ordonnances de remèdes miracles, aux crèmes anti-rides censées faire passer une femme pour sa fille, aux progrès des emplâtres thaumaturges qui clament que c’est vous qui le valez bien (et que vous allez donc le payer, en espèces sonnantes et trébuchantes).
La poudre de perlimpinpin s’est à coup sûr construite autour d’une poudre jetée aux yeux du premier des pinpins, c’est à dire du crédule, lui promettant guérison, retour de l’être aimé, bonne fortune et bon cœur, et tout ce qu’il voudra puisqu’il peut tout gober. La poudre pour les pinpins devient donc, dès le XVIIᵉ, la poudre de perlimpinpin, bonne à tout faire et mauvaise en tous effets.
Très loin de la première pharmacie que le malade trouvait à Bagdad, en 754, la poudre de perlimpinpin va se répandre en France, le gogo abusé se chargeant après coup de la réputation de l’arnaqueur patenté la lui ayant baillé belle. Et comme le mensonge qu’il soit apothicaire, politique, amoureux, affairiste, se porte bien, la poudre de perlimpinpin fait elle aussi son chemin.
La mise en coupe réglée de m, b, p et l’exclusion de perlimpinpin du nombre des exceptions dans l’école obligatoire de Jules Ferry auront raison de la poudre de perlimpinpin. Son utilisation flétrit comme son deuxième n se refuse à devenir un m. C’est bien dommage car en modernité nous aurions pu continuer à en faire bon usage, les solutions miracles et abracadabrantesques¹ ne semblant pas manquer.