[alé o frèz] (exp. botan. AMOU.)
C‘est dans les plis et replis d’une langue joueuse qu’il nous faut nous enfoncer, afin de décoder une expression qui, de prime abord, nous envoie faire un tour chez le maraîcher. Bien entendu il n’en est rien, mais ça, vous vous en doutiez déjà.
Écartons tout de go ce col de lingerie précisément formé de plis, qui porte lui aussi le nom de la plante herbacée des jardins : la fraise. Aller aux fraises ne signifie aucunement aller quérir chez son tailleur préféré son col de godrons, qu’on se le dise.
Cependant, il sera question de vestiaire car aller aux fraises est bien du registre vestimentaire. Eh oui, aller aux fraises c’est porter un pantalon trop court découvreur de chevilles, ce qui peut s’avérer du plus torride érotisme ou au contraire passible d’une condamnation pour faute de goût, à chacun son idée de la mode.
Que ceux qui regretteront qu’aller aux fraises ne signifie pas simplement cueillir l’agréable Gariguette ou la douce Mara pour les déguster ensuite se rassurent, il va bien entendu être question d’utilisation de tous les sens dans l’étude qui suit.
Aller aux fraises en langue surannée c’est en effet chercher un endroit isolé pour s’y ébattre discrètement avec la personne de son choix. Quoi de plus normal que de commencer à s’aimer au jardin puisque, osons le rappeler, dans les temps surannés les bébés naissent dans les choux pour ce qui est des garçons, et dans les roses pour ce qui est des filles. Il existe bel et bien une logique botanique pour expliquer comment on fait les bébés. N’allons tout de même pas trop vite en besogne, aller aux fraises n’ayant pas obligatoirement comme ambition d’en créer une nouvelle variété mais tout au plus de goûter au fruit défendu¹.
Cela dit, l’envie de fraises semble-t-il générée par la grossesse trouverait dans l’idée originelle d’aller aux fraises une explication rationnelle, mais ceci est une autre histoire.
L’arrivée massive de la fresa de Doñana sur le juteux marché français² pulvérisa d’engrais chimiques le petit coin tranquille dans lequel les amoureux pouvaient aller aux fraises. Sans texture ni parfum, l’ersatz concombresque gorgé de pesticides plutôt que de soleil, a rendu sans motif la promenade coquine depuis qu’elle se pavane à l’étal, cyprodinil, fludioxonil, fenhexamide, tolylfluanide et azoxystrobine en prime.
Le mauvais goût a fini par gagner.
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