[mònako] (n. com. COCKT.)
Principatu de Mu̍negu comporte de très nombreux signes de surannéité, à commencer par sa figure princière et éternelle : Grace Kelly. Une énumération des qualités désormais surannées de la blonde hitchcockienne Altesse Sérénissime la princesse Grace de Monaco est cependant une toute autre histoire que celle qui nous conduit à étudier ici la dénomination de ce petit État de deux kilomètres carrés.
La principauté ne nous intéresse en ces lignes que parce qu’elle donna son nom à un cocktail typique des années surannées : le Monaco.
Oui, si un brin de nostalgie de vos années lycées vous taraude, il vous suffit d’un ou deux centilitres de sirop de grenadine, de trois fois plus de bière bien fraîche que de limonade (quinze et cinq centilitres par exemple) versées l’une après l’autre sur la grenadine dans un verre en tulipe (toujours la limonade en premier) pour obtenir un Monaco. Et instantanément vous voici propulsé dans les temps surannés.
La rumeur entretenue dans les bars-tabacs de la rue des Martyrs et d’ailleurs, colporte que c’est un certain George Booth, Australien de nationalité, qui inventa le Monaco en s’inspirant très largement d’un autre cocktail portant le nom nettement moins glamour de snakebite (ou morsure de serpent) à base de bière et de cidre.
Quant au nom il aurait surgi en hommage au drapeau monégasque. Une rumeur et des vapeurs d’alcool c’est peu pour étudier une étymologie, et le sieur Booth n’ayant pas commis d’autre création notoire qui lui vaille inscription au Panthéon des inventeurs de drinks, nous ne nous prononcerons pas sur l’authenticité de la paternité.
[su_quote]Riton, un Monaco ![/su_quote]
L’essentiel est bien que Monaco existe et qu’il ait permis à tant et tant de lycéens de héler le loufiat, se prenant un instant pour Hemingway au bar du Ritz : Riton, un Monaco ! Et Riton de répondre, immanquablement, minute papillon.
Aseptisé en Tango panaché avec plus de limonade que de bière, détourné en Tango sans limonade, martyrisé avec du sirop de cerise, de framboise, de fraise, de cassis, le Monaco fut envoyé définitivement au suranné lorsque l’industrie agro-alimentaire s’essaya en 1995 au Monaco de Panach’. L’hommage mercantile aux couleurs de la principauté devenait outrancier et le goût des années surannées ne put supporter cette bassesse.
Monaco avait survécu au tube de Jean-François Maurice sorti en 1978 (Monaco, 28 degrés à l’ombre, c’est fou, c’est trop, on est tout seuls au monde, tout est bleu, tout est beau, tu fermes un peu les yeux, le soleil est si haut, je caresse tes jambes, mes mains brûlent ta peau), il ne se remettra pas de cette présence en linéaires, loin de ses bistrots préférés.
Quand comprendront-ils que le suranné ne tient pas en bouteille ?