[rabijé le ɡamê] (loc. verb. BALTO.)
Le suranné aime les bistrots, les troquets, les bouges, les estaminets. Il s’y sent comme un poisson dans l’eau bien que l’eau ne soit pas la boisson la plus consommée au comptoir, mais ceci est une toute autre histoire (cela dit, sachez apprécier et consommer avec modération).Accoudé au zinc, le jacteur à la langue désuète bien pendue demandera parfois de rhabiller le gamin.
Exemple : « Marcel, tu nous rhabilles le gamin s’il-te-plaît ! ».
Ne pensez pas une seconde qu’inconscient, le gonze ait traîné son enfant en quelque lieu de perdition¹, qui plus est en pyjama, et qu’il lui vienne soudain un éclair de lucidité. Non, rassurez-vous, rhabiller le gamin ne moleste aucun marmot.
Rhabiller le gamin c’est simplement remettre la petite sœur, une perfusion, un petit dernier pour la route, une deuxième tournée : renouveler les consommations, tout simplement. Il est à noter que rhabiller le gamin pose comme principe celui d’une reconduction des breuvages consommés lors de la tournée précédente. Si l’on est au Perniflard on reste au Perniflard, si l’on est au Monaco on reste au Monaco.
Le préfixe -re nous précise que l’état initial de l’habillement était de toute évidence sans faux col, celui de l’instant se présentant beaucoup trop dénudé pour constituer une tenue décente dans un établissement licencié IV précisément de bonne tenue. D’où la demande insistante de rhabiller le gamin.
Les sociologues soulignerons avec raison cet attachement au bon goût vestimentaire qui caractérise l’époque surannée, le détail négligé ne pouvant qu’être l’apanage du cocodès mais en aucun cas la marque du pilier de comptoir. Noyer sa mémoire en écrasant un grain n’empêche pas de le faire portant fier.
Il est probable que l’appellation de gamin pour désigner le contenant soit issue de son synonyme galopin (pour rappel 12,5 cl) qui, il est vrai, se vide vite et demande donc à être rhabillé rapidement. Pour être complet, signalons cependant que la présence de poulbots au Penalty ou au Balto n’a pas toujours été honnie et qu’il s’est vu certains coquins pousser un tabouret jusqu’au flipper pour parfois aller jusqu’à faire tilter la machine².
Les travaux de rénovation qui transformèrent Le Père Tranquille en lounge bar trendy sans flipper ni baby chassèrent les derniers clients qui savaient commander de rhabiller le gamin. Marcel a pris sa retraite et c’est désormais une charmante barmaid qui nous sert des cocktails aux noms aussi complexes que leur composition. Elle est jolie et court vêtue; il serait bien entendu indécent de lui intimer de rhabiller le gamin !