Faire suer le burnous [fɛʁ sɥe lə byʁnu]

Faire suer le burnous

Fig. A. La coloniale

[fɛʁ sɥe lə byʁnu] (exp. FAM. COL.)

🎼🎶Tiens voilà la Coloniale !
Tiens voilà les coloniaux !

Oui, on commence en chanson (je ne vous chanterai pas le reste¹) mais ce petit refrain est juste là pour vous rappeler que les temps coloniaux sont loin et surtout que l’interprétation de termes autochtones nous a parfois donné de cocasses expressions délicieusement surannées. Et puis ça me permet de vous montrer que je connais mes classiques, une autre fois je vous chanterai la Légion marche vers le front.

Faire suer le burnous nous vient probablement d’une intégration phonétique de l’appellation donnée à un long manteau de laine porté dans le Nord de l’Afrique par les peuples indigènes soumis à l’organisation coloniale du travail. Le monde du labeur au sens large s’est vite emparé de faire suer le burnous et a su le positionner sur une échelle de pénibilité quelque part entre « quand faut y’aller faut y’aller » et le best of des pensées de Mikhaïl Aleksandrovitch Bakounine. C’est vous dire.

Faire suer le burnous a ainsi doucement infusé puis disparu du quotidien avec les délocalisations et le monde ouvrier. Mais la langue a cela de magique qu’elle trouvera vite d’autres occasions d’expression. Faire suer le burnous a pris place en toute tâche que chacun jugera trop pénible (en langage suranné évidemment) trouvant paroxysme lorsqu’elle procède d’un ordre donné par un incompétent hiérarchiquement supérieur (pléonasme), par un client ou tout autre empêcheur de tourner en rond.

Éplucher les patates fait suer le burnous du troufion, servir un café fait suer le burnous du loufiat parisien, se garer à une place pour attendre un client fait suer le burnous du taxi, sonner et monter trois étages pour une lettre recommandée fait suer le burnous du facteur, être plus précis que « entre 9 heures et 18 heures » fait suer le burnous du livreur. Chacun à sa façon sait exprimer cette lassitude profonde que lui procurent les terribles exigences de sa fonction² grâce à cette expression surannée venue du haut Atlas.

Avec Paul Lafarge, réclamons nous aussi le Droit à la paresse, éloignons-nous de cet amour absurde du travail, en un mot cessons de nous faire suer le burnous ! On ira à la pêche, on jouera sur la plage, on cueillera des champignons, et on fera de la musique. C’est mon programme, qui m’aime me suive.

Votez pour moi.

🎼🎶On a déjeuné dans la rue du Ruisseau
chez  » Mohammed  » couscous derrière les fagots
arrosé d’un joli vin de la Moselle
et puis Micky Finn est arrivé.🎶

🎶On a fait de la musique pendant quelque temps
et j’espère encore longtemps
et attendant que les autres aient gagné
et qu’ils aient fait tout foirer.🎶

🎶Toi, technocrate en redingote étriquée
tu finiras bien par m’avoir tout ficelé
mais jusqu’à tant qu’t’aies fait sauter la planète🎶
moi je ferai de la musique avec mes potes.🎶🎶🎶

Nino Ferrer, la Carmencita, 1982

¹NSFW.
²NDLR : attention, on est ici au second degré.

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