[desu de pla adnèt] (ust. cuis. DESIG.)
La toile cirée c’est beau et suranné mais ça fond quand maman y pose le plat de gratin dauphinois. Heureusement, comme toute bonne ménagère¹ elle a son dessous de plat Adnet pour l’aider.
Imaginé dans les années 50 par Jacques Adnet, ce double losange extensible solidement campé sur ses pieds-boules en acier a sauvé plus d’un repas familial de l’affront d’un service raté pour cause de nappe brûlée. Il a aussi provoqué plus d’une punition pour utilisation détournée en imitation d’Yvette Horner et son accordéon, ce qui ne-se-fait-pas-quand-on-est-à-table-tu-files-dans-ta-chambre-PRIVÉ-DE-DESSERT !
[NDLR : eh oui, les années surannées n’étaient pas vraiment celles de l’enfant-roi].
C’est que le dessous de plat Adnet était des plus tentant avec son articulation magique qui le faisait passer d’un vague amas ferreux plié à une forme complexe et fascinante une fois déplié. Une leçon de géométrie appliquée qui aurait pu faire aimer les angles droits, Pythagore et pourquoi pas les espaces euclidiens à n’importe quel cancre de fond de classe, mais… « on ne joue pas avec ses couverts quand on est à table » est un précepte supérieur au carré de l’hypoténuse.
Il faut dire qu’avec cette création de Jacques Adnet, pape du design art déco aux côtés de son jumeau Jean, c’est un peu de la Quadro VII Lamp ou du fameux Circulaire Mirror d’Hermès qui trône sur la table et absorbe la chaleur du plat en céramique qui sort du four. Et, tout comme on n’ajoute pas de moustaches à La Joconde, on ne joue pas avec le dessous de plat Adnet.
Même si, citant Marcel Duchamp, on pourrait dire de la diva Léonardienne de Vinci parodiée et de la table familiale sur laquelle se pose le plat qu’L.H.O.O.Q.²
Le succès public du four à micro-ondes, grand réchauffeur d’assiettes et fossoyeur des plats cuisinés, aura raison de la présence du dessous de plat Adnet sur la table. Il terminera sa carrière parfois comme support à pots de fleurs, parfois accroché à un mur du cellier, parfois comme ferraille inutile entreposée dans un casier de bois.
Lorsqu’un vieux con suranné l’y retrouve, il pense immédiatement à l’accordéon et fait se déplier les losanges de métal endormis en se remémorant le geste prohibé. Toujours aussi fascinant ce bon vieux dessous de plat Adnet.