[vaɡô fymër] (gr. n. SNCF.)
Les années surannées furent souvent nimbées d’un brouillard volontaire, peut-être hérité de l’esthétique sfumato de Léonard de Vinci, peut-être dicté par de plus prosaïques pratiques tabagiques, les chercheurs cherchent encore.
Autant il semble iconoclaste à un moderne que la consommation de tabac puisse s’effectuer à la table d’un restaurant, dans un avion ou dans un train, autant le suranné pourra raconter l’existence de ces pratiques en son temps, celles-ci allant même jusqu’à déterminer l’existence d’un wagon fumeurs dans le train ! Oui…
Le wagon fumeurs est, comme son nom l’indique, un wagon dans lequel le fumeur peut fumer. Et il ne va pas se gêner pour le faire.
Doublement caractérisé par son odeur mêlant tabac froid et cigarette en combustion, le wagon fumeurs est une zone d’arrogance supérieure pour l’amateur de Gitanes qui soufflera avec délectation ses volutes au visage du pantois ayant oublié de préciser non-fumeur à la réservation. Car l’on trouvera des importuns dans le wagon fumeurs : des non-fumeurs, voire des anti-fumeurs, qui n’auront cesse de se plaindre d’avoir atterri ici, faute de place en non-fumeurs comme l’on précise alors.
Il faut dire qu’un Paris-Marseille avec Le Mistral c’est un peu plus de sept heures de voyage, soit près d’un paquet de Goldos pour le passager lambda du wagon fumeurs ! C’est long, très long pour le non-fumeur-étourdi-qui-n’avait-qu’à-réserver-en-non-fumeurs.
Paradoxalement, l’ultra moderne et grande vitesse qui déboule en septembre 1981 sous l’appellation TGV, n’envoie pas le wagon fumeurs à la casse. La durée d’un Paris-Lyon tombe cependant à deux ou trois clopes consumées, ce qui est un premier pas vers une politique de santé publique qui aboutira dix ans plus tard à la fameuse loi Evin qui elle, poussera le wagon fumeurs sur une voie de garage.
La mise à disposition générale du téléphone portable et des conversations à voix haute sur l’heure-d’arrivée-et-tu-mettras-bien-ton-écharpe-et-oui-mes-hémorroïdes-ça-va-mieux¹ remplaceront Boyard et ses consœurs côté nuisances. De quoi, parfois, faire regretter le wagon fumeurs.