[dòné dö Zâbô pur yn âduj] (loc. verb. BOUCHER.)
Selon certains experts reprenant l’expression de Kipling, il s’agirait « du plus vieux métier du monde »¹. Nous laisserons aux savants leur interprétation sur les origines de la tarification de l’usage du corps, et nous bornerons à examiner ici ce que la langue surannée a su composer pour exprimer la prostitution féminine.
Puisant dans le registre imagé de la cochonnaille culinaire, le langage a donc fait de donner deux jambons pour une andouille la locution descriptive de la copulation commerciale. Plaisirs de la chair et bonne chère font bon ménage avec donner deux jambons pour une andouille, ce qui est une garantie d’audience au pays de l’exacerbation des sens.
En ces temps désormais honnis et désuets où le Chabanais accueille la fine fleur de la prépotence et de l’influence, donner deux jambons pour une andouille rencontre en effet un succès certain, même si à en croire Mesdames Kelly et Claude, célèbres tenancières d’établissements à jambons, il n’eut pas fallu parler d’andouille pour tous ces messieurs, certains s’avérant plus proches de Francfort que de Vire² question saucisse (mais ceci est une autre histoire que nous tairons pudiquement).
Si l’interprétation des deux jambons ne laisse aucune place à l’ambiguïté, celle d’andouille qui célèbre plus plus l’idiotie ou l’imbécillité que la virilité mesurée, pourrait être à l’origine du destin suranné de l’expression. Donner deux jambons pour une andouille peut s’avérer être une moquerie destinée au consommateur masculin, ultime affront quand celui-ci imaginait qu’il s’agissait d’une formule laudative à la gloire de Popaul.
La loi Marthe Richard de 1946 fermant pour de bon des maisons censées déjà demeurer closes, aura aussi pour conséquence de bannir donner deux jambons pour une andouille.
À la charcuterie, le moderne peut désormais commander sans rougir deux belle tranches de jambon et une grosse andouille. Même les ligues de vertu ne sauront s’en offusquer.