[ètre So patat] (n adj. MOTIV.)
En grammaire française surannée, la place du nom et celle de son adjectif sont primordiales. La plupart des adjectifs qualificatifs se placent après le nom qu’ils déterminent. Mais pas toujours. Enfin ça dépend. Il y a des exceptions; et puis des exceptions à l’exception.
Sans quoi on confondrait par exemple patate chaude et chaud patate. Ce qui serait une cruelle erreur de sens.
Imaginons un instant un combattant pénétrant dans l’arène, gonflé à la testostérone, prêt à en découdre, déclarer qu’il est patate chaude au lieu de chaud patate. Et quid du rodomont chevauchant sa Bleue, en route vers le baloche du samedi soir, se sentant plus patate chaude que chaud patate ? Y survivrait-il ? Serait-il seulement en mesure de décapsuler une ou deux binouzes avec ses pré-molaires ?
Que dire enfin de l’étourdi peu porté sur le tubercule qui hurlerait fièrement à l’assemblée déjà chauffée à blanc qu’il est chaud cacao ? À coup sûr pour lui : un fiasco (d’autant plus cruel qu’il trouverait alors toujours un écho lui répondant cho-cho-cho-cho-co-lat).
Être chaud patate c’est être de l’étoffe des super-héros
Être chaud patate c’est être motivé comme jamais, paré à relever tous les défis : escalader l’Annapurna (अन्नपूर्णा) en tongs, sauter du plongeoir de trois mètres pour impressionner les filles, adresser la parole à la jolie blondinette aux yeux immenses. Qui est chaud patate répondra avec panache au t’es pas cap lancé par un médiocre. Être chaud patate c’est être de l’étoffe des super-héros, rien d’autre.
Mais chaud, le patate ne le reste jamais longtemps. Comme tout corps monté à une température élevée, il revient peu à peu vers la norme et s’accommode de la température ambiante. Le chaud patate ne dépasse finalement guère les 37,2° réglementaires¹ que sur une très courte période de fièvre existentielle. Pas de quoi s’enflammer plus que quelques minutes qui cependant marqueront peut-être à jamais².
L’ère moderne s’ouvre avec l’apparition du winner. Avec son sourire carnassier à dents blanchies, ses bretelles à la Gordon Gekko (son maître) et sa montre clinquante indiquant plus l’étendue de son ambition sans scrupules que l’heure, il va renvoyer être chaud patate au suranné. C’est normal, lui est un killer, il prend le lead et fait des deal win-win qu’il expose en PowerPoint™.
Il n’est pas vulgairement chaud patate; il n’a pas grand chose à voir avec une pomme de terre cuite sous la braise (il a tort, c’est bon avec un petit vin de Bourgogne mais c’est une autre histoire).