[la linəa] (n. prop. ITAL.)
La Linea est la preuve s’il en fallait que l’économie de moyens se conjugue aisément au talent pour créer du génial.
D’un trait d’un seul, blanc sur fond sombre, avec des paroles imaginaires, la Linea nous fabriquait chaque jour un monde nouveau dans lequel elle tentait de se frayer un chemin. Elle échouait en général, tombant dans l’abîme laissé par la main qui décidait soudainement de ne plus tracer de ligne. La Linea est au blanc sur noir ce que les idées noires de Franquin sont au noir sur blanc. Une lecture directe et une en creux, une subtilité profonde sur le sens de la vie, oui sur le sens de la vie vous avez bien lu la Rédaction ne recule devant rien c’est comme ça.
La Linea : elle s’agitait sans cesse et elle parlait beaucoup
Toujours est-il que si tu as suivi ses aventures et que tu te souviens aujourd’hui de son gros nez, tu es immanquablement suranné. Eh oui, la Linea ce sont les années 70, l’Île aux Enfants ! Quatre vingt dix épisodes en tout diffusés à partir de 1971 sur la Rai et 1977 sur TF1.
La Linea était râleuse et sympathique à la fois, elle s’agitait sans cesse et elle parlait beaucoup (elle nous venait d’Italie). Exigeante et parfois tyrannique, elle s’adressait à son créateur en des termes qu’on pouvait imaginer peu châtiés tant ils faisaient appel au postillon labial.
Par le truchement d’une main d’homme tenant un crayon de bois à la mine blanche le créateur s’exécutait, lui offrant des chemins piégeux, des outils peu appropriés, des solutions qui n’en étaient pas, des obstacles comme des défis.
À mon avis on tient un genre d’allégorie ou je ne m’y connais pas. La Linea nous faisait bien marrer avec son inconstance, ses revendications, ses piètres satisfactions, ses vaines tentatives et ses chutes finales. A cet instant elle nous faisait parfois pitié; on en venait à se dire que cette main toute puissante aurait pu aurait dû la soutenir, lui dessiner un Paradis pour qu’elle puisse s’y apaiser. Mais je crois qu’elle aurait tout détruit. La Linea est éreintante, jamais contente.
La Linea c’était aussi une musique : un air de jazz (tre jazz rapido pour les experts) qui maintenait toute la tension du personnage. C’était pour moi une autre découverte, une musique complexe que très peu de vinyles joués à la maison envisageaient sérieusement (on est dans les années 70, les disques sont en vinyle et les radios dites libres n’existent pas encore, iPhone et YouTube ne font même pas partie d’un futur imaginable). Il me faudra bien des années encore pour accéder à ce son là, mais ceci est une autre histoire.
Techniquement la Linea est l’œuvre d’un trait de plume, une forme de la calligraphie un peu surannée elle aussi que des Picasso, Cocteau, Giacometti pour ne citer que les plus connus, maîtrisaient aussi à la perfection. D’une ligne continue faire une idée partagée, voilà qui me plait bien. Je vous le dis mes bons amis, le génie est dans la ligne.
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