[albɔm panini] (mod. dép. ENF.)
Il est du suranné qui dure. C’est rare mais ça existe. Tel est l’album Panini. Entendons-nous bien : je vous parle évidemment de l’album de foot, pas de ces produits sans âme du genre Barbie fait du ski ou la Reine des neiges libérée délivréééééée. Album Panini égale foot. C’est comme ça et puis c’est tout.L’album Panini est un des incontournables du monde suranné. Il naquit au début des années soixante dans l’imagination fertile doublée d’un sens du commerce acéré des quatre frères Panini, marchands de journaux à Modène. Mais cette story de business success n’est pas celle du jour, on n’est pas chez Capital. Je veux ici vous raconter la véritable histoire de l’album et des vignettes Panini : celle d’un apprentissage de la vie distillant joies et déceptions, pactes et trahisons, figures adorées et personnages honnis.
La toute première joie que procure l’album Panini est celle de la facilité avec laquelle on se le procure alors qu’on l’attend depuis un bon moment. Il peut être livré en cadeau avec Pif Gadget par exemple et on l’a même déjà vu distribué devant l’école par des hôtesses grimées en chevalier harnaché (le logo de l’album Panini a toujours été et demeure un grand mystère pour moi). En tout cas il est souvent gratuit et c’est toujours ça d’économisé sur l’argent de poche. En général deux pochettes de vignettes l’accompagnent et l’une d’entre elles contient le portrait d’un must have du championnat (Dominique Rocheteau, Battiston, Jean-Michel Larqué, etc.). Ça part bien. La première déception arrive dans la semaine qui suit avec l’achat dûment tarifé de la première pochette : sur cinq images, deux en double. Patatras.
Il va désormais falloir gérer deux paquets de vignettes tenues par élastique. Celles que je collerai le soir venu avec la précision d’un horloger Suisse¹ et celles que je possède en double et qui pourront faire l’objet d’un échange âprement négocié. Inutile de vous dire que ce second paquet va grossir plus vite que l’autre. C’est son contenu qui fait l’objet de sombres tractations, d’accords secrets à côté desquels ceux de Yalta sont de la roupie de sansonnet : « Si j’ai Platoche en double je te le garde » ou encore « Le logo du PSG vaut 4 images de joueurs de l’ASSE ». Le marché noir de la cour de récré battra son plein pendant des mois avec son lot de dénonciations, de bagarres et de chapardages parfois. La vrai vie vous ai-je dit.
Les obscurs et les soutiers du championnat trouvent leur place en quelques semaines dans l’album Panini. Ce sont les stars, les cadors, qui prennent leur temps pour s’y coller. Une chance inouïe à l’ouverture d’une pochette nous fera découvrir la coiffure bouclée désordonnée d’un Michel Platini dans son maillot ASNL, la nuque longue d’un Jacques Santini le Stéphanois, alors que la moustache d’un Raymond Domenech APSM (Strasbourg) n’est guère cotée. Les étrennes et les centimes glanés à force de poubelles vidées ou de voitures lavées seront tous engloutis chez Panini. Et comme le buraliste ne me fait pas crédit, en juin il me faudra renoncer et classer aux souvenirs un album inachevé.
Je n’ai jamais fini un album Panini. La légende raconte que certains l’ont réussi. S’ils sont ici qu’ils le fassent savoir, je suis leur obligé. Et s’ils ont encore des doubles on peut en discuter.