[ʃɑ̃ʒe lo dez- ɔliv] (loc. urin. OLIV.)
En 1545, Charles Estienne, médecin, écrivain et imprimeur de son état, publie le fameux De Dissectione partium corporis humani, qui nous autorise à penser qu’au XVIᵉ siècle on est en mesure de savoir que l’urine est contenue dans la vessie avant de rejoindre le caniveau.
Ce constat aide le chercheur à dater changer l’eau des olives d’avant ce siècle de découverte de l’anatomie humaine puisque l’expression suggère de toute évidence que le pissat est de source testiculaire, les roubignoles étant traditionnellement comparées avec le fruit de l’olivier.
Pour autant anatomiquement fausse qu’elle soit, changer l’eau des olives fait l’objet d’un usage très fréquent dans le langage du commun comme dans celui des puissants où elle passe même pour gracieuse.
Jusqu’à la Renaissance on n’hésite pas à tonner haut et fort au milieu du banquet qu’on s’absente un instant pour aller changer l’eau des olives, et l’on va se soulager depuis le mâchicoulis, l’eau qui n’en est pas vraiment rejoignant celle qui en est, dans les douves.
La même expression est d’usage pour le petit peuple qui se libère du trop-plein au beau milieu de la chaussée déjà encombrée de déchets. Changer l’eau des olives n’est alors qu’une sous-catégorie de faire ses aysements et souillures selon la terminologie employée. Entre l’eau des olives et les diverses productions organiques, la rue ressemble à la zone des vatères de n’importe quelle fête de la bière réussie, mais ceci est une autre histoire.
Malgré les progrès de la science et la compréhension de la vidange des liquides excluant les olives du circuit, changer l’eau des olives va demeurer populaire pendant des dizaines d’années, bien aidée par la présence d’olives dans un ramequin posé sur le comptoir à l’heure de l’apéro.
Du Balto de Charenton au Whisky Café de Montréal¹, on use et abuse de la formule pour faire savoir qu’on va faire pleurer le colosse et que pendant ce temps René peut s’employer à nous remettre la p’tite sœur. Sans que les diverses dissections du corps humain aient pu réellement l’expliquer, il semble en effet que les olives ne puissent demeurer longtemps hors milieu humide; elles doivent ainsi être réapprovisionnées en liquide en permanence, d’où l’utilisation du verbe changer plutôt que celui de vider².
L’anecdote prétend qu’un président de la République française aimait manier l’expression, mais n’ayant pu vérifier la véracité du propos nous ne le traiterons ici que comme un bavardage.
Au début des années modernes, la fièvre marchande qui s’empare des vécés du moindre rade en rendant son accès payant va rendre surannée changer l’eau des olives. La phrase protocolaire devient « Quelqu’un a une pièce de vingt centimes ? », l’ouverture de la porte menant à la faïence étant sujette à un péage. « Je vais changer l’eau des olives » ne se dit plus. Trop gratuite. Et le moderne n’aime pas ça.
Il n’y a pas de petit profit : la vessie est une zone de chalandise comme une autre.