[le ʁutje sɔ̃ sɛ̃pa] (n. émiss. RADIO.)
Pour que vous mesuriez bien justement ô combien Les Routiers sont sympas est surannée, nous nous devons de rappeler à ceux de nos lecteurs nés après 1983 quelques postulats de l’époque.
- En datation carbone 14 on est dans les années 70 (après 1972 pour être précis, année de lancement de cette émission radiophonique).
- Outre Radio France il existe 3 radios : RTL, RMC et Europe 1. Oui trois en tout et pour tout, c’est comme ça, on vous expliquera plus tard le pourquoi du comment, ce serait trop long ici.
- Il n’y a pas de téléphone portable, pas d’Internet, de mail, de SMS. Tout juste existe-t-il la CB (CB pour Citizen Band, pas Carte Bleue¹) qui commence à se répandre chez nos amis sympas et routiers.
- Le litre d’essence est à 2 francs.
Ceci posé, on se cale en grandes ondes sur 234 kHz et à partir de 21 heures voici la voix chaleureuse de Max Meynier qui va nous faire faire la route et surtout, surtout, nous passer des messages importants.
Pendant trois heures, tous les soirs, Max Meynier, l’homme à la moustache, est au micro pour que Robert des Transports & Déménagements Dugenoux puisse passer le message à Ginette la secrétaire des mêmes Transports & Déménagements Dugenoux qu’il a oublié les clefs du camion dans la poche du bleu de chauffe chez Bébert au kilomètres 97 de la Nationale 7 et qu’il sera en retard demain matin à moins qu’un routier sympa ne les lui dépose dans la nuit au Pénalty chez Mimile à l’entrée Nord de Périgueux (ça y est vous venez de piger le concept de l’émission).
Max a un don pour nous faire entendre ça comme une cause nationale et surtout mettre en branle cet univers fantastique de la route nocturne et de ses seigneurs, les routiers. On suivra ainsi toute la soirée les aventures des clefs de Robert qui de relai en relai finiront par atteindre leur but; enfin ça on ne le saura que dans l’émission du lendemain car elle se termine à minuit. Et on comprendra alors pourquoi les Routiers sont sympas.
Des vrais gens au téléphone, des situations tendues, la nuit, des hommes des vrais avec des posters de gonzesses à poil dans leur cabine, des gros camions qui foncent sur l’autoroute, voilà les ingrédients d’un succès de radio surannée. Bien entendu il faut aussi de la bonne musique (je crois bien que Francis Zegutt était aux manettes), un mec bourré d’empathie², et une petite musique qui trotte dans la tête créée par Vladimir Cosma, excusez du peu.
On eut pu s’inquiéter dans la France giscardienne d’alors que les premiers contacts de jeunes garçons bien innocents avec la vie nocturne et ses mystères se fassent par le truchement des agapes et errements radiodiffusés d’une profession plutôt représentée par des gros bras en jean et en cuir et traditionnellement non dénuée d’une certaine approche gauloise de la vie. Certes on l’eut pu, mais à tort.
L’écoute attentive et quasi quotidienne des Routiers sont sympas ne leur fit pas découvrir autre chose que la solidarité de la France d’en bas comme on dira plus tard. Peut-être une certaine propension à se satisfaire de l’étude attentive du calendrier Pirelli mais rien de plus. On peut s’intéresser aux pneus et à leurs égéries sans pour autant être routier tout de même !
Et puis sache, toi jeune ami qui n’es pas suranné, que les Routiers sont sympas a donné au langage que tu partages peut-être l’expression « Relax Max », deux mots de coolitude extrême pour te dire que quoi qu’il arrive, on va bien finir par s’en sortir.
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