[bebe kadɔm] (n. pr. MARQ. CIALE.)
Je vous concède bien humblement avoir terminé à l’instant de relire « Je me souviens » et y avoir puisé le mot délicieusement suranné du jour (Souvenir n°105). Georges me le pardonne s’il le veut bien. Cela dit, j’ai moi aussi connu ce Bébé Cadum. Pas le premier d’entre eux évidemment : il date de 1912, le suranné ! Mais certains de ses successeurs, et je soupçonne ma mère d’avoir secrètement souhaité que j’en sois un tellement elle me frottait le corps de son savon qui sentait bon.
La Bébé Cadum était ce petit poupon rosé emmitouflé dans son drap de bain en coton épais, le savon et l’éponge véritable posés à ses côtés (oui les amis, à l’époque on s’oignait le corps à l’éponge véritable, un luxe aujourd’hui !), bambin fantasmé de toute bonne maman.
Loin de cet état suranné, dans notre étrange époque moderne il fait même l’objet d’un concours mensuel dans lequel les MILK¹ rivalisent de créativité photographique pour nous convaincre que leur progéniture mérite le titre de huitième merveille du monde… Revenons cependant sur la planète d’avant, où tout n’était pas si rose que ça.
Le Bébé Cadum était aussi une terrible insulte usitée à la récré.
❝ Ouh le Bébé Cadum®, euh ! ❞
L’énoncé humiliant d’une telle filiation savonneuse clouait généralement en pleurs le récipiendaire (j’ai manié le concept je sais de quoi j’cause). Était-ce l’idée de se projeter nu tout juste protégé d’une serviette portée en toge au milieu de la cour qui faisait cet effet ? Tout ça alors que quelques années plus tard vous vous damneriez pour être invité à la soirée mousse du Pacha Club² et vous trémousseriez en pagne romain au milieu des clubbers…
Était-ce parce que vous sentiez alors d’instinct qu’être habillé par sa mère d’un pull jaune à col montant comportait une part de risque réputationnel non négligeable et que la traduction immédiate en était l’appellation non contrôlée Bébé Cadum ? L’effet lacrymal d’un simple mais vicieux Bébé Cadum était quoi qu’il en soit paroxysmique. J’en ai fait pleurer plus d’un mais j’étais un bel olibrius.
Une langue plus fleurie a renvoyé Bébé Cadum dans les jupes de maman. Un marketing plus fleuri aussi, au jojoba et à l’extrait de fève de café à l’acerola³, a renvoyé Bébé Cadum® au rayon des produits d’hygiène surannés.
Et moi j’ai conservé ma peau de bébé.
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