[papje tɥəmuʃ] (gr. n. POUA.)
Des fois le suranné c’est sale. Poisseux plutôt. Le papier tue-mouches tire-bouchonné qui choit lamentablement du plafond ou mieux d’un luminaire monte-et-baisse, appartient à cette catégorie crado. Eh oui amie lectrice que je vois d’ores et déjà réticente, tout n’est pas idyllique en ce royaume des mots d’antan, il faudra bien t’y faire.
Dès son packaging le papier tue-mouches est mal barré : des couleurs rouge, jaune, verte, mal réparties sur une boîte en carton vulgaire et l’image imprimée d’une mouche prédatrice qui semble émettre d’hostiles ondes toutes prêtes à me transformer en vérole. A l’intérieur patientent de petits cylindres surmontés d’un léger lacet qui servira à les pendre. Ce nœud coulant est un présage : le papier tue-mouches est un instrument de mort.
Cette machine à occire de l’insecte vibrionnant a besoin d’un plafond, c’est ainsi, aussi son utilisateur devra-t-il se doter d’un escabeau ou d’une chaise pour l’atteindre. C’est un point important que celui-là car je crois que quelques accidents domestiques dramatiques ont lieu plus souvent qu’on ne pense dans cette condition d’équilibre. Vous admettrez que se briser la nuque en chutant de la troisième marche d’un piédestal branlant est cocasse quand on entendait mettre en place un dispositif propre à zigouiller des centaines de diptères.
Une fois la cimaise posée on déroule avec délectation ou dégoût c’est selon, cinquante bons centimètres gluants et jaunâtres qui formeront le piège. Les brachycères viendront s’y échouer et y agoniser, capturés en plein vol par cette langue visqueuse et vicieuse. C’est Jean Gabriel Louis Hippolyte Moure, pharmacien de première classe de son état, qui inventa ce système au XIXᵉ siècle (c’est donc bien suranné) et il se dit qu’il en vendit jusqu’à la cour des Tsars de la lointaine et Grande Russie.
Au bout de quelques jours de passif fonctionnement, le long ruban du papier tue-mouches est couvert de cadavres. Pour le petit être sensible que je suis en enfance (et que je suis toujours…) aller faire une sieste dans cette chambre de vacances parsemée de papiers tue-mouches est un calvaire. Mais mon arrière-grand-mère semble avoir un combat à mener contre l’insecte. Alors elle a miné le plafond n’imaginant pas un instant que c’est là que se pose mon regard quand je suis allongé sur mon lit. Va compter les moutons quand ils deviennent des mouches ! La campagne du XXᵉ siècle est un monde un peu rude pour les poulbots du Luco.
Je ne m’endormirai pas dans un charnier, fut-il celui d’un pouacre colporteur de maladies adorant se vautrer dans la fange. Qu’à cela ne tienne, je franchis la fenêtre et m’éclipse pour aller dans les chemins alentours perfectionner ma maîtrise de la Bleue. J’ai mieux à faire que compter les mouches mortes.