[a la baj] (exclam. EAU)
Lorsque l’injonction surgissait il s’agissait de réagir rapidement et de précisément ne pas bayer. Aux corneilles s’entend. Dans l’instant il fallait y aller sans réellement se poser de question. Car le dernier à l’eau héritait généralement des pires corvées qui soient, vaisselle, lessive, patates à éplucher, de quoi vous gâcher une journée de vacances.
C’était comme ça : quelqu’un criait à la baille ! et on sautait dans l’eau glacée de la rivière ou on courait comme des dératés jusqu’à la mer.
À la baille est désormais une expression surannée parce qu’elle nous vient des congés payés, de juin 1936 et du Front Pop’ : c’est elle que l’on hurle de joie en découvrant la mer pour la première fois pendant ces quinze jours auxquels tout salarié a désormais droit. Et avec ces 600 000 vacanciers lachés sur les routes de France, ce mot d’argot ou plus exactement du français populaire, va faire florès. Rendez-vous compte, tous ces Titis de Paname et d’ailleurs en goguette sur les plages bretonnes et normandes, ça en fait du beau monde à la baille.
Je laisse la querelle étymologique à Robert et ses compères qui s’écharpent autour de l’italien baglia et du latin bajula, la seule véritable question valable se posant quand il s’agit d’aller à la baille étant celle de sa température. À six ans je me jetais à la baille sans sourciller dans le frigorifique Atlantique et ses vingt degrés aoûtiens, quarante ans plus tard s’il n’est pas Indien l’océan ne voit même pas mes pieds. À la baille d’accord mais pas en dessous de vingt-huit degrés.
J’ai gardé cette douce insouciance pour me jeter à l’eau en presque toutes circonstances. Je veux bien aujourd’hui encore sauter à la baille sans réfléchir à la seule condition qu’elle soit tout de même tempérée (on peut être suranné et aimer son petit confort). Un côté « advienne-que-pourra » qui continue à m’éviter les corvées de patates mais pas les déconvenues : la baille est souvent froide.
Qu’importe la température de ce qui nous attend, c’est le geste et l’attitude qui comptent quand se crie à la baille ! Ne pas trop réfléchir, courir, sauter. Conserver comme une âme d’enfant et une certaine idée du bonheur.
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