[ɡlòp ɡlòp pa ɡlòp pa ɡlòp] (onomat. PIFOU)
Lorsque l’onomatopée devient incongrue et surtout incomprise dans les dialogues contemporains alors qu’elle s’exprima en une des plus grands tirages de la presse hebdomadaire¹, c’est tout simplement signe qu’elle a filé en surannéité. Et que par conséquent, si vous l’utilisez vous êtes vous-même suranné. La langue vit et meurt, c’est ainsi.Penchons-nous aujourd’hui sur la dépouille d’un petit chiot mignon-mignon apparu en 1958 (c’est suranné) dans une aventure de Pif le chien. Selon toute vraisemblance fils du Pif en question, Pifou (vous noterez la subtile racine commune) a comme caractéristique majeure de parler (ce qui est commun pour un chien de bande dessinée) mais dans un langage composé majoritairement de deux interjections : glop glop, et pas glop, pas glop.
Pifou dont je dirais à vue de nez qu’il est Beagle, partage ses aventures avec Brutos, un Bouledogue bavard et fier-à-bras, ce qui lui donne l’occasion quotidienne de commenter en un verbe ou un mot sans sujet ni complément autre que glop glop, pas glop, pas glop, les situations dans lesquelles les deux clebs se retrouvent. Ça nous donne des trucs du genre glop glop bonbon, ou encore pas glop salsifis. On a pu lire aussi glop glop jouer, pas glop, pas glop l’école. Bref, vous avez saisi le concept.
La vacuité du langage sophistiqué et ampoulé est démontrée grâce à Pifou puisqu’il réussit à nous transmettre toutes ses émotions et tous ses sentiments avec glop glop et pas glop, pas glop. Enfin quand je dis « nous » je veux dire « nous les enfants de 4 ans qui lisons Pif ou Pifou Poche » car je ne vous cache pas qu’au delà de 7 ans pourra poindre un certain agacement généré par le systématisme du glop glop.
Je me dois même de l’avouer publiquement : Pifou me gonflait royalement avec ses glop glop et ses pas glop, pas glop. Et j’en venais parfois à approuver Brutos et ses méthodes viriles parce que lui, au moins, phrasait correctement. Quelle vision de l’univers pouvait bien avoir ce clébard binaire ?
Les rares surannés contemporains qui glissent du glop glop voire du pas glop, pas glop, dans leurs propos déclenchent suspicion et décontenancement chez la majorité de leurs auditeurs. Il faut bien les comprendre : la suite onomatopesque n’a pas survécu à la dernière édition de Pifou (1987) puis à la mort de Roger Mas, son dessinateur, en 2010. Aujourd’hui les savants parlent de glop glop comme d’un mème² ce qui lui confère un statut particulier dans la modernité mais ne l’extrait pas pour autant des magazines qui sommeillent au grenier dans une malle empoussiérée.
Si je puis me permettre un conseil (et vous savez que je m’y connais en suranné) : en dehors du cadre très privé d’une soirée 80’s dédiée à Pif Gadget, conservez glop glop et pas glop, pas glop en votre langage intérieur. Tentez la suite sujet-verbe-complément pour exprimer votre pensée, surtout si c’est pour séduire une jolie blonde (à moins que ce ne soit pour faire marrer votre nièce de 2 ans et dans ce cas le glop devrait vous valoir un succès).
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