[sêtròpé] (coquil.&crustac. MADRAG.)
On a rangé les vacances🎶🎶
Dans des valises en carton
Et c’est triste quand on pense à la saison
Du soleil et des chansons🎶
Le savait-elle BB quand elle nous chantait en 1963 ces paroles écrites par Jean-Max Rivière, que la Madrague et sa ville disparaîtraient bientôt en surannéité ? Sa voix si douce, un peu mélancolique, son timbre inégalable, tout me pousse à le croire. Ne me regardez pas comme ça. Bien entendu que Saint-Tropez est surannée !
Saint-Tropez a disparu sous ses cohortes bêlantes de benêts estivaux suceurs de glaces qui viennent y déambuler dans le sens inverse des aiguilles d’une montre déréglée afin de contempler des exhibitionnistes mondains comme ils le font chaque dimanche du reste de l’année devant les canapés et les cuisines en kit dans les allées encombrées de leur vendeur de meubles agglomérés préféré.
Oh je n’ai rien contre les foules (je soigne mon agoraphobie dans les stades de foot), contre les mondains (j’adore les mondaines tant qu’elles ne sont pas de la brigade) ou contre les glaces (mais j’ai une petite dent contre le design scandinave fabriqué en arbre dépecé), ne vous méprenez pas, mais la transformation d’un village en zone d’admiration béate obligatoire (ZABO) me débecte.
Aussi je le proclame sans ambages : Saint-Tropez est surannée et sa réplique moderne en carton pâte est juste has been.
Le petit village de pêcheurs et ses quelques centaines d’âmes dures à la peine, se levant tôt, connaissant le nom des nuages annonciateurs de gros temps, a été enfoui en désuétude par la masse et son pas cadencé. Les barques ont laissé place aux yachts rutilants suintant de vulgarité apparatchik, la plage pour le plaisir s’est transformée en piste pour la frime de corps sculptés au bistouri plutôt qu’à l’effort, et les belles croient qu’il suffit d’être blonde pour devenir BB.
Dans Saint-Tropez la moderne le VIP Room et ses DJ à cheveux gras déversent leur soupe sonore sur le port, un café chez Sénéquier vaut un bras et la Rolex qui y est attachée, on se oint au Cristal sur ses plages avant tout privées de savoir-vivre.
Dans Saint-Tropez la surannée Roger Vadim tournait un navet réussi avec sincérité et nous laissait pantois avec l’une des plus belles blondes que la terre ait portée. Tout ça sous le même soleil.
Je reviendrai certainement un de ces jours faire la fête aux crustacés mais ce ne sera pas à Saint-Tropez.