[bélitr] (n. m. VIL.)
La piétaille quémandeuse, le vil, le moins que rien ont leur synonyme suranné dont il est peut probable que vous usiez souvent, à moins que vous ne travailliez votre répertoire des classiques (Cyrano de Bergerac, Le médecin malgré lui¹).Selon la légende, un Germanopratin bronzé à velours côtelé serait le dernier à l’avoir employé, peu avant que le Flore ne devienne un repère pour touristes atlantistes en goguette à Paris, dans une période que la datation au carbone 14 situe avant 1986.
Contrairement au bellâtre de Saint-Germain-des-Prés, le bélître n’en fait pas des tonnes. L’un se pense tout, l’autre n’est rien. Et dire que cela ne tient qu’à une simple voyelle et au doublement d’un maigre « l »…
Quantité négligeable, le bélître trouve un joli synonyme en lazzarone qu’il nous faudra visiter un jour tant il est lui aussi suranné, mais ceci est une autre histoire qui n’éclaire pas celle du jour. Cette comparaison ne vaut pas pour une définition tant l’un est l’autre sont oubliés et il serait malhonnête de la part de cette noble encyclopédie de vous laisser choir ainsi.
Pour vous convaincre un peu plus de sa désuétude, sachez que bélître eu l’honneur de figurer dans cette dictée que les vieux instituteurs soumettent parfois à la sagacité de leurs troupes et que l’on dit de Mérimée puisque c’est Prosper lui-même qui la conçut en 1857 à la demande de l’impératrice Eugénie.
“ Quoi qu’il en soit, c’est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s’est laissé entraîner à prendre un râteau et qu’elle s’est crue obligée de frapper l’exigeant marguillier sur son omoplate vieillie. Deux alvéoles furent brisés³ ; une dysenterie se déclara suivie d’une phtisie, et l’imbécillité du malheureux s’accrut.
— Par saint Martin ! quelle hémorragie ! s’écria ce bélître.
Rassurez-vous si vous vous y collez, Napoléon III commit soixante-quinze fautes² et Alexandre Dumas (fils) vingt-quatre. Ils firent cependant tous deux une belle carrière dans leur spécialité respective. On peut être moins que rien et passer à la postérité, bélître est en ce sens rassurant.
Me prenant pour Cyrano-Savinien-Hercule de Bergerac, j’eus moi aussi plus d’une fois l’envie d’en découdre en duel avec quelque bélître vicomte ou manant, tout en le prévenant parce que je sais être gentilhomme qu’à la fin de l’envoi, je touche. Las, la loi castratrice des élans romantiques était passée par là. Le duel judiciaire était autant suranné que le bélître que j’entendais corriger, la dernière réparation officielle au premier sang datant de 1967 et ayant opposé Gaston Defferre et René Ribière pour un « Taisez-vous, abruti ! » balancé par Gaston en plein débat à l’Assemblée.
Depuis, le bélître pullule même s’il a disparu du vocabulaire. Il a rejoint le faquin dans la poussière des mots et l’abruti dans la lumière du quotidien.