[larmé mèksikèn] (loc. VIVA. ZAP.)
Dans un monde moderne où tout est parfaitement organisé avec un exercice vertueux de la compétence à chaque étage, le mot que nous allons étudier n’avait aucune chance de survie. C’est un bien grand dommage parce que j’ai une certaine tendresse pour lui. Mon côté révolutionnaire sans doute.
L’origine sémantique de la locution est romantique. Elle date précisément de 1910 et d’une révolution paysanne qui vit les exploits de Pancho Villa et d’Emiliano Zapata se dérouler sur les terres ancestrales des Olmèques, Toltèques, Zapotèques, Mayas et Aztèques spoliées par de grands propriétaires. Si ça ce n’est pas du romantisme ! L’armée mexicaine défend alors les plus pauvres dans un joyeux mélange d’aspirations à des lendemains qui chantent, de pillages divers, d’exactions en tous genres et de non coordination de ses différentes unités.
¡ Viva Zapata ! Vamos muchachos
Sans formation militaire les peones qui composent la troupe font comme il leur convient, autrement dit n’importe quoi, plus ou moins commandés par un aréopage de généraux qui la semaine précédente étaient au choix bandits de grands chemins, cultivateurs, mariachis, dresseurs de petits pois sauteurs¹, plongeurs à Acapulco…
Cette désorganisation exemplaire de l’armée mexicaine et sa hiérarchie à pyramide inversée (un comble au pays des Mayas) fera d’elle une locution quasi universelle.
À partir des années 1920 on dira armée mexicaine pour tout foutoir se prétendant organisé, pour toute administration pléthorique en charge de vaine résolution d’un infime problème.
Pendant une dizaine d’années, Villa, Zapata, Obregón et Carranza s’allieront, se trahiront, se mettront sur le coin de la cabeza et surtout occiront deux millions de leurs compatriotes. Après la bataille de Camerone et le sacrifice de la Légion étrangère (30 avril 1863), l’armée mexicaine donnera à la France une deuxième raison de se souvenir d’elle éternellement grâce à une expression qu’elle trouvera à coup sûr moyen d’employer, elle qui possède souvent des arcanes kafkaïennes que Pancho Villa n’aurait pas reniées².
Bien heureusement dans les années modernes, de nombreux audits et rapports de personnalités toutes plus brillantes les unes que les autres, des commissions d’enquête et même un ministère chargé de la réforme de l’État et de la simplification³, viendront pousser en surannéité une armée mexicaine qui n’a pas à camper sur notre pré carré.
Ici c’est la France messieurs, pas de généraux inutiles, c’est la rigueur qui nous dirige, l’efficacité qui nous guide.
À moins que cette soudaine disparition ne soit l’œuvre de quelques cachottiers qui, ne voulant pas être démasqués, auraient caché au fond des oubliettes une expression finalement pas si désuète… J’ai comme un doute.