[òskar] (n. pr. SVT)
Prénom suranné à plus d’un titre, Oscar fut porté par des rois de Suède et de Norvège (Oscar Ier et Oscar II), par un film mettant en scène le toujours très excité Louis de Funès, par Wilde le dandy venu mourir à Paris avant ses cinquante ans, et par tout ce qui commence par un O quand il est épelé selon l’alphabet phonétique des militaires de l’OTAN (Alpha, Bravo, Charlie, Oscar).
Il est une autre paternité que possède Oscar et qu’auront rencontrée tous les élèves passés sur les bancs de l’école communale, les plus dissipés (ceux du fond de la classe) ayant même pu le côtoyer pendant de longues années. Oscar est en effet le prénom affecté à tous les squelettes humains préposés au cours d’anatomie (les officiels, pas ceux que vous pratiquiez à la récré bande de petits coquins) qui se tient droit dans un coin de la classe, attendant patiemment qu’on veuille bien lui désarticuler la clavicule ou compter ses tibias.
Il y a tant d’Oscar chez les squelettes pédagogues qu’on ne peut imaginer un instant qu’ils naquirent autrement que par le truchement officiel dûment tamponné en trois exemplaires d’un ministère fier de son organisation et toujours prompt à bien normaliser. Malgré d’intenses recherches il nous fut impossible de mettre la main sur quelque circulaire fondatrice exigeant des squelettes qu’ils se prénomment Oscar dès l’instant où ils faisaient office de matériel d’apprentissage. Oscar est un mystère même pour l’administration et il est peu probable au vu de son état qu’il envisage de nous révéler quoi que ce soit.
Bien entendu il existe des déviances, des Anatole par exemple que l’on trouve notamment dans les facultés de médecine, soit-disant en référence à Anatole Deibler, exécuteur en chef des arrêts criminels¹ et fournisseur officieux des étudiants avides de dissections, des Martin en hommage au squelette présent dans Les Disparus de Saint-Agil, roman pour la jeunesse paru en 1935 que vous n’avez pas lu (et moi non plus), mais rien de suffisamment sérieux pour lutter contre Oscar.
« Mais où et donc or ni car », liste des conjonctions de coordination récitée à voix haute par le classe à laquelle le rigolo de service répondait inlassablement « Dans le placard » pourrait expliquer en partie l’appellation. L’ossature bien souvent stockée dans un placard afin de ne pas perturber les plus sensibles, se serait soumise à la rime car/placard/Oscar, parce que la rime c’est bon pour la mémoire. C’est en tout cas la thèse osée que j’oserai défendre en ces lignes, et je sais de quoi je cause puisque je peux m’enorgueillir d’un certain nombre de punitions directement liées à la finition en placard sus-exposée.
On m’a dit qu’Oscar avait quitté l’école quelques années après mon passage. Ses successeurs sont en 3D sur des écrans interactifs. C’est nettement moins facile à habiller en fin d’année avec le chapeau et l’écharpe de Monsieur l’instituteur et les lunettes du fayot.
On doit moins rigoler à l’école aujourd’hui.
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