[valwar sô pezâ de kakaÿèt] (loc. Verb. ARACH.)
Nature’s first green is gold,
Her hardest hue to hold.
Her early leaf’s a flower;
But only so an hour.
Then leaf subsides to leaf,
So Eden sank to grief,
So dawn goes down to day
Nothing gold can stay.
L’or n’est pas éternel¹ nous disait le poète américain Robert Frost, homme ironique et bienveillant déjà confronté au modernisme de son pays en ces XIXᵉ et XXᵉ siècles surannés qu’il connut. Le métal jaune fascinant est pourtant la mesure de toute valeur que le trader stressé par ses taux ou le chercheur se ruant vers le Klondike, l’Oural ou la Californie, prêtent à leur quête. À tel point que pour la langue du sage toute chose vaut son pesant d’or.
Halte là mon ami ! Si tu es suranné tu manies l’ironie, comme Frost, et tu sais que l’aune² qui compte est celle de la cacahuète ! Et tu emploies plutôt qu’un banal valoir son pesant d’or, valoir son pesant de cacahuètes.
L’étude étonnante que nous vous livrons modestement ici montre combien l’arachide a jouxté toute sa vie celle de l’élément chimique numéro atomique 79. Il est des destins parallèles et étranges.
Originaire d’Amérique du sud, l’arachide est découverte (pour l’occident) par les conquistadors ravageurs partis à la recherche de l’Eldorado. Pour les civilisations précolombiennes elle est aussi précieuse que l’or puisqu’elle est déposée dans les tombes, aux côtés des masques, des bijoux, des statues façonnées du métal soleil.
Valoir son pesant de cacahuètes est aussi important que valoir son pesant d’or pour les Olmèques
Eh oui, valoir son pesant de cacahuètes est aussi important que valoir son pesant d’or pour les Olmèques, les Toltèques, les Zapotèques, les Mixtèques, les Aztèques et les Mayas, pour les Incas, les Moches, les Chibchas, les Cañaris. Mais pas pour Hernán Cortés, Francisco Pizarro, Francisco de Montejo et tous leurs homologues pour qui compte seulement ce qui brille.
La soldatesque castillane passera ainsi à côté de la graine, préférant s’en empiffrer négligemment tout en pillant allègrement d’ingénus indigènes croyant à la venue des Dieux parce qu’ils étaient montés sur leurs canassons harnachés.
Les chercheurs en surannéité font ainsi de 1492 la date théorique du début de la fin de valoir son pesant de cacahuètes qui va lentement se transformer en valoir son pesant d’or. La fièvre de l’or qui ravagera quelques siècles plus tard d’autres terres fertiles fera de ce pesant d’or la jauge de toute action et de tout homme, laissant la cacahuète et son poids de plus en plus léger. Peanuts ira-t-on jusqu’à dire sur ce nouveau continent pour décrire le négligeable, le peu, le falot.
Si un pesant d’or peut vous attirer les faveurs d’une belle ou de quelque flatteur, j’irai jusqu’à prétendre qu’il vaut mieux faire valoir celui de cacahuètes, nettement plus utile pour se faire des amis au café du Commerce à l’heure de l’apéro.
Laissons donc l’or suivre son cours et enfiévrer les corps, regardons s’agiter ces Midas de pacotille imbus de leurs richesses, le spectacle de leur vacuité vaut son pesant de cacahuètes.
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