[atâdre lòmnibys] (loc. verb. ALCOO.)
Omnes, omnes, omnes, omnium, omnibus, omnibus. Facile, vous vous en souveniez. La deuxième classe des adjectifs dont le génitif pluriel fini en ium. La classe de latin, les déclinaisons à apprendre par cœur, la petite blonde au premier rang… mais ceci est une autre histoire.
Le latin nous est éminemment nécessaire pour comprendre cet omnibus qui assure le transport de millions de personnes, dans sa forme à traction chevaline puis plus tard grâce à son moteur diesel, selon des horaires réguliers et un parcours immuable.
Quand son nez carrossé point au loin, c’est un léger frisson de satisfaction qui parcourt les passagers massés autour du poteau tête de vache : le voilà, nous serons à l’heure à l’usine ou au bureau. Vive la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris, ou la Société des transports en commun de la région parisienne.
C’est vraisemblablement autour d’une forme similaire de satisfaction qu’il nous faut enquêter pour comprendre qu’en argot, attendre l’omnibus ait pris pour sens attendre que l’on serve à boire. Le pilier de comptoir jubile lorsqu’il voit arriver une nouvelle tournée tout autant que le passager pressé se réjouit de l’approche de son Renault châssis K63C. Un sentiment de plénitude l’envahit, à l’instar de celle du possesseur de carte Orange qui monte à bord du 29 à plate-forme, direction Saint-Lazare ou Porte de Montempoivre.
Attendre l’omnibus marque pour l’habitué du Balto cette impatience fébrile qui tenaille l’accro au Picon bière, au Byrrh ou à la Suze. Elle est une expression qui ne peut se comprendre que de celui qui est transporté en commun et qui connaît les affres promiscuitaires des métros surpeuplés, mais aussi les regards effleurés dont le souvenir fera bien la journée, que de celui qui patiente avant de pouvoir enfin regagner ses pénates.
Attendre l’omnibus est une vraie locution de France qui se lève tôt, une expression en bleu de chauffe ou en tour-de-bras, une tournure qui se porte avec des bretelles à boutons et une casquette plate, pas une parole de pince-fesses !
Des écrans électroniques en station ou des applications pour Smartphone synchronisées en temps réel permettent désormais au moderne impatient de ne plus attendre l’omnibus. C’est ce progrès de l’information qui a tranquillement réservé l’expression aux photographies en noir et blanc fiévreusement recherchées par les ferrovipathes et a concomitamment dépouillé les assidus d’estaminets de leur truculence codifiée.
Chez les licenciés IV d’aujourd’hui, qui a soif le demande haut et fort, tel un client tyran qui a bien autre chose à faire qu’attendre l’omnibus.