[pudr dèskâpèt] (gr. n. fém. IND.)
La poudre d’escampette est un de ces surannés paradoxaux, une catégorie précieuse qu’il convient d’étudier avec moult précautions pour ne pas la brusquer, instable qu’elle est.
Ainsi son escampette laissait-elle présager quelque jolie légèreté, de petits sauts joyeux, presque des entrechats gracieux. Tout au moins une provenance exotique, peut-être quelque chose des marchés de Provence, un accent qui chante. Il n’en est pourtant rien.
L’escampette est mille fois plus grave qu’elle n’y parait, telle ces champignons chatoyants de beauté colorée prêts à vous empoisonner à peine vous les cueillez. Un paradoxe vous dis-je. Car l’escampette c’est l’urgence, la fuite, la cavalcade, la vas-y comme j’te pousse, la bousculade un jour de soldes à 50% au rayon des trucs qu’on ne mettra jamais. Rien de léger quoi qu’il en soit.
Va savoir pourquoi, l’escampette ne se trouve qu’en poudre. On ne la prend pas en barre, pas plus qu’en litre ou au kilo, on ne la trouve pas en grain, en tige, sur pied, en grappe, hachée menue ou en morceau. Non, l’escampette n’existe qu’en poudre. Un raffinement suprême, une sophistication extrême, un nouveau paradoxe quand il n’est pourtant question que de se faire la malle, de prendre la tangente, de partir instamment. Un paradoxe mes amis, un paradoxe. Tout cela est hélas plus que trop suffisant dans une époque abandonnée à la facilité pour être remisé dans les placards du suranné.
La poudre d’escampette ne se fabrique guère plus de nos jours. Et ceux qui en connaissent la recette n’ont plus les jambes véloces que sa prise appelle en écho. Un paradoxe, rien qu’un beau paradoxe.