[se fèr remôté lé bretèl] (exp. fig. FAM.)
D‘entrée de jeu, les bretelles donnent le ton : ce sera suranné. Eh bien oui, qui aujourd’hui en porte sinon quelques dandys ? Et cessez de me la jouer trader de Wall Street sur l’heure, ça ne m’impressionne guère, j’ai pratiqué les mœurs locales. Les bretelles, les vraies, celles qui s’accrochent avec des boutons, sont surannées. Alors se les faire remonter, quel festival !
Il faut dire que l’expression a cette vertu de nous renvoyer directement au passé, en prime enfance précisément, quand il fallait tout faire pour nous, empoté que nous étions dans notre Babygro, incapable de porter une cuiller à la bouche sans faire la moto ou l’avion. Se faire remonter les bretelles comme si nous ne pouvions le faire nous-même, comme si mal enfroqué nous n’avions pas la plus simple décence d’ajuster la position. Toute l’humiliation du propos qui semblait rigolo est là : “se faire”. Un verbe d’action instantanément transformé en verbe de soumission. Quelle défaite.
Et que dire de la remontée. Elle possède un côté Laurel&Hardy, grand guignolesque, surjoué, j’entends même la tension puis le claquement de l’élastique de ces bretelles. Mais ce que ne dit pas l’expression c’est le relâchement subit de la tension. Et clac ! Ascenseur pour les valseuses¹. Pour sûr, se faire remonter les bretelles c’est aussi une douleur physique pas rien qu’une réprimande morale. Je sais de quoi j’cause, il m’est arrivé plus qu’à mon tour de bénéficier de la remontée en question.
Le verbe semble avoir disparu avec l’accessoire de mode, enfin pas tout à fait. Heureusement le vestiaire n’est pas vide : il nous reste la ceinture à serrer, la cravate de notaire, la veste à se prendre, le costume qu’on veut bien nous tailler, mais on entre ici sur un terrain miné, et la mode est tellement capricieuse et volage…