[brâlé le mamut] (loc. mili. PALEO.)
Homo erectus croisait déjà régulièrement des mammouths sur sa route il y a quelques centaines de milliers d’années et il en fut de même pour son descendant Homo sapiens qui alla jusqu’à peinturlurer les murs de son habitat avec des dessins de la bestiole (158 mammouths dans la grotte de Rouffignac, preuve s’il en faut qu’il y a 13 000 ans on faisait déjà de drôles de rencontres en Dordogne).
Mais ces témoignages picturaux ne laissent aucune ambiguité quant à la relation qui liait l’animal à l’humain : l’un piétinait l’autre allègrement dès qu’il le pouvait, l’autre chassait l’un pour le manger et se vêtir de sa fourrure. Rien de plus. Pas la moindre trace de débauche. On en déduira aisément que branler le mammouth ne peut en aucun cas relever de l’observation des mœurs au paléolithique.
Le mammouth disparaissant il y a de ça 10 000 ans environ (les tatillons parleront de 3 700 ans pour les dernières formes naines de Mammuthus primigenius en Sibérie), soit bien avant l’apparition du langage suranné, c’est dans un temps plus proche qu’il nous faut chercher pour décortiquer les raisons d’une pratique masturbatoire si risquée.
Si les hypermarchés Mammouth nous clamaient haut et fort qu’ils « Écrasaient les prix », puis plus tard « Quand on sait ce que ça coûte, on choisit Mammouth » et enfin « Mammouth centre de vie, pour le prix et pour le plaisir », il faudrait posséder un esprit licencieux pour y trouver un appel à se vautrer dans le stupre. Comme ce n’est nullement notre cas en cette Haute assemblée surannée, nous refermerons dans l’instant cette extrapolation.
🎼🎶J’aime pas recevoir des ordres
J’aime pas me lever tôt
J’aime pas étrangler l’borgne
Plus souvent qu’il ne faut🎶
Plus souvent qu’il ne faut🎶
Branler le mammouth tient une place de choix dans le bréviaire militaire où il désigne l’inactivité coupable d’un tire-au-flanc quelconque qui préférerait bayer aux corneilles plutôt que nettoyer les douches à la brosse à dents. Si la conscription caractéristique des années surannées peut expliquer la diffusion de l’expression, elle n’en est pas pour autant une bonne explication, à moins qu’on ne s’attarde sur l’onanisme du troufion solitaire cantonné en Allemagne dont Renaud nous chantait les états d’âme dans une version personnelle du Déserteur de Boris Vian.
En 1997 le ministre de l’Éducation nationale semble vouloir donner une piste aux chercheurs surannés en estimant publiquement « qu’il faut dégraisser le mammouth », sous entendant que trop nombreux sont ceux qui le branlent au sein de la très noble institution en charge d’apprendre à lire et à écrire à nos chères têtes blondes. Le gouailleur par ailleurs bien en chair lui-même y laissera sa tête, preuve que prétendre s’attaquer à branler le mammouth demeure une activité périlleuse même dix mille ans après qu’on ait aperçu la queue poilue du dernier de l’espèce.
La très importante réduction des effectifs au sein de la grande muette, dernière pourvoyeuse de l’expression, rendra définitivement surannée branler le mammouth. Le moderne numérisé se dit désormais « oklm » (pour « au calme ») caractérisant une apathie indolente qui aurait valu une corvée de patates et trois tours de la place d’armes en petite foulée sous le règne de l’Adjudant G., ancien de Kolwezi dont l’accent guttural et la pratique unique de la langue française qui n’était pas la sienne maternelle trouveront ici une sorte d’hommage.
Rompez les rangs !