[avwar le pèrsi ki sòr dy kaba] (loc. verb. ZIGOUN.)
Temporaire ou définitive, à la cire, à la pince, au rayon X, l’épilation est un souci majeur pour toute personne souhaitant se conformer à des canons de beauté éloignant le plus rapidement possible l’être humain du singe ou de l’australopithèque.
Et ne croyez pas que ce soit là une préoccupation moderne poussée par un esthétisme licencieux, bande de coquins. Les Pharaons égyptiens s’épilaient entièrement. Et la Grèce antique avait inventé le ticket de métro bien avant les couloirs de Montparnasse et leurs tapis roulants.
Oui, déjà pour la Pythie et toutes les femmes de Delphes jusqu’à Athènes, pas question d’avoir le persil qui sorte du cabas. Et que dire de la Rome antique et de la Renaissance ? Jetez un œil au David de Michel-Ange si vous avez encore un doute : net. Pas un brin de persil qui sort du cabas.
Depuis près de de cinq mille ans ça tond, ça coupe, ça ratiboise, ça arrache, ça brûle, ça épile dans les zones douloureuses d’un triangle d’or qui n’a rien du VIIIᵉ ou de la Birmanie.
Même si le sujet est peu traité par les savants, il semble partagé par toutes les civilisations que le poil est ennemi et qu’avoir le persil qui sort du cabas laisse poindre une hygiène négligée. Mais la langue surannée, toujours fort imagée, n’entendait pas régler l’impérieuse nécessité par une image infamante qui aurait humilié le ou la peluché(e). En toute bonhomie et parce que l’idée est des plus pittoresques, elle a voulu utiliser avoir le persil qui sort du cabas.
Imaginez l’Apollon du Belvédère hirsute de la toge, le Faune Barberini moustachu du barreau, le Philoctète blessé barbu comme un sapeur, ou simplement un Ange déchu à poils laineux ! Ce persil sortant du cabas leur aurait-il permis de rester tout de marbre dans les couloirs du Vatican ou de trôner dans les galeries du Metropolitan Museum, du Louvre ou de la Glyptothèque de Munich ?
Vous voyez, la postérité plastique exige de ne pas avoir de persil qui sorte du cabas, c’est ainsi. Les tenants du poil libéré crieront au scandale, au diktat, affichant leur toison luxuriante comme si elle était celle du bélier Chrysomallos ! Mais ils perdront leur temps…
La seule autorisée à avoir le persil qui sort du cabas est la ménagère affairée qui revient du marché. Pour elle, la plante aromatique est garante de bon goût, qu’elle soit plate, frisée ou à grosses racines.
Le développement commercial des officines épilatoires à tous les coins de rues retoqua avoir le persil qui sort du cabas. Leurs tarifs qui affichent des classiques, échancrés ou complets (et une acronymique option SIF des plus énigmatiques) tournent autour du maillot. Le moderne est pudique et peut-on lui reprocher pour une fois d’être moins succulent ?