[minyt papijô] (interj. GARÇO).
La modernité n’est pas la seule gueuse empressée.
Au risque de choquer, il faut vous dire ici que parfois, l’antan était pressé de passer du passé au présent : il lui fallait tout, tout de suite, là, dans l’instant ! L’excité empressé houspillait, expédiait, bousculait s’il fallait. Fort heureusement la parole surannée savait calmer en l’une de ses expressions qui laisse pantois et cloue le bec.
Minute Papillon s’entendait objecter sereinement l’échauffé vibrion. Minute Papillon était un impérieux caché sous les ailes graciles d’un lépidoptère, une main de fer dans un gant de velours en d’autres termes. Pour les modernes qui en douteraient, je peux témoigner sous serment de la force de la sommation : je l’ai reçue plus d’une fois. Et pour peu que minute Papillon s’accompagne d’un sourire il désamorçait sur-le-champ toute velléité de réponse.
— Paul, une Suze !
— Minute Papillon !
Si l’on écoute les on-dit de ceux qui savent sans expliquer et colportent la rumeur, minute Papillon proviendrait d’un bistrot (ce qui est somme toute plausible en France) et du nom d’un loufiat qu’on hélait pour se faire servir le café ou le Byrrh. Comme tout bon garçon de café parisien l’ordonnateur de la salle répondait minute à qui l’interpellait pour commander de quoi étancher sa pépie¹. Avec le temps, les clients facétieux auraient pris l’habitude d’apostropher minute Papillon désarmant le bougre débordé de sa réponse toute prête. L’histoire ne dit pas si pour autant les convives étaient servis plus vite.
Il est aussi possible que minute Papillon soit issu de l’observation rigoureuse du vol primesautier du bel insecte ailé qui butine en une minute plus de fleurs qu’il ne peut en compter, faisant de sa légèreté subtile et sautillante une qualité expressive quand elle est un défaut pour l’humain, puisque papillonner n’est que peu toléré chez lui. On peut d’ailleurs user de minute Papillon pour écarter le séducteur excité trop pressé d’arriver à ses fins.
Minute Papillon dilue le temps et fait comprendre qu’il est possible de le prendre sans pour autant le perdre. C’est une formule de sagesse et douceur et c’est donc bien pour cette raison qu’elle n’a pas survécu à la nouvelle saison. Car le moderne fait diligence; impatient d’arriver même s’il ne sait pas où, il va vite, bousculant tout, jusqu’au savoir-vivre apéritif qui voudrait que le temps s’arrête puisqu’on est entre amis.
L’époque qui file ne lance plus d’appel au calme : minute Papillon est envolé. Le temps doit être rentable.