[dékròSé sé tablo] (loc. verb. ART.)
Si la langue désormais désuète l’est ainsi, c’est qu’elle est souvent comble de délicatesse, s’acharnant à nommer de plus belle manière ce qui relève de l’ordre du dégueulasse, du crado, de l’infâme. Elle a donc trouvé comment parler de ce geste incongru et hideux qui consiste à fouiller négligemment dans sa cavité nasale puis à vouer le butin à toute activité décorative ou nutritive.
Pour ce faire elle a fabriqué décrocher ses tableaux, magnifique parabole en cimaise pour faire part de l’application requise à l’extraction sans encombres des sécrétions visqueuses qui vont du translucide au vert et qui ravissent alors l’esthète un peu souillon.
Décrocher ses tableaux est en effet un activité qui requiert la plus grande concentration pour aboutir à la satisfaction. Le curage s’effectue de préférence avec un doigt légèrement ongulé, facilitant ainsi la capture du mucus nasal. L’index s’avère le plus performant en la matière. Puis, aidé de son voisin le pouce il roulera en boulette épaisse si la récolte le vaut bien et, c’est selon, collera l’amalgame quelque part ou en dégustera le substrat.
Oui c’est proprement répugnant et c’est bien pour cela qu’a été imaginé décrocher ses tableaux.
L’art du savoir-vivre à la française (lui aussi suranné) n’a pas prévu d’auguste geste pouvant pallier celui princeps. En conséquence de quoi il est préférable de décrocher ses tableaux dans la plus stricte intimité¹ tout en poussant des cris d’orfraies lorsqu’on vous parle de la chose.
Bien entendu décrocher ses tableaux est devenu totalement suranné, la chose n’étant plus pratiquée que par les marchands d’art et encore, le tableau ayant une cote bien faible face à l’installation de concepts tordus et creux mais faisant résonner les espèces (mais ceci est une autre histoire).