[avwar la dal â pât] (loc. adv. GLOU.)
Le soiffard sait toujours exprimer sa demande. Dans toutes les langues, à tout moment, en toute situation. Il a cette aptitude à l’expression de son besoin et à l’assouvissement de son dessein. Alors pensez bien qu’au suranné il a concocté ce qu’il faut pour faire part de sa soif !
Avoir la dalle en pente est donc créée au XIXᵉ siècle pour signifier que le gosier du sieur arsouille est desséché (il parait qu’en langue nordique daela est une gouttière) et imager la quantité de liquide alcoolisé qu’il va falloir y déverser pour envisager l’apaiser. Notons de suite toute l’importance de l’inclinaison de l’expression : si la dalle est plane elle a pour sens la faim; si elle est en pente elle a pour sens la soif. En topographie comme en alcoolémie ce sont les degrés qui font la valeur.
Avoir la dalle en pente est cette propension particulière à la boisson : une inclination inclinée, une inclinaison de la trachée qui installe celui qui en est dotée dans la catégorie des soûlographes; la pente est raide et nul ne la gravit avec un coup dans le nez. Le sens de la pente vers la descente n’est nullement indiqué car il est bien connu qu’il est aussi susceptible de fonctionner dans celui de la (re)montée, l’ivrogne régurgitant pouvant rendre liquide. On ne parlera néanmoins pas de remonte-pente en ce cas, le terme n’étant venu au monde qu’avec l’apparition des loisirs enneigés, ce qui est bien entendu une autre histoire plus moderne.
Le Mississippi où il était strictement interdit d’avoir la dalle en pente depuis 1907, fut le dernier État américain à retirer la loi sur la prohibition, en 1966. La fin de l’interdiction de vente et de consommation d’alcool eu pour conséquence de légaliser un marché florissant dans lequel s’engouffrèrent les grandes multinationales et leur marketing alléchant qui ne pouvait évidemment supporter le trivial avoir la dalle en pente.
Il fallut désormais parler un langage plus châtié : on se mit alors à entonner Dubo, dubon, Dubonnet, à porter haut et fort Casanis et fier de l’être, à tempêter Un Ricard sinon rien, à recommander Byrel pour la femme de bon goût, à s’extasier Heureux comme un 51 dans l’eau. Rien qui ne fasse référence à cette dalle en pente devenue bien trop raide pour une époque litote qui ne voulut plus voir dans chaque biberonneur un vulgaire pochard mais un joyeux consommateur.
Le marketing est sans respect pour la langue.