[ètre dékôtrakté dy ɡlâ] (expr. arg. COOL.)
Si vous tancez le langage suranné d’un tant soit peu de vulgarité, il vous rétorquera que ça lui en touche une sans faire bouger l’autre. Et il aura bien raison : comme dirait Maurice, Messieurs les censeurs, bonsoir¹ !
Ceci posé, nous allons tenter sans censure ni outrance, d’aborder une définition sensible en tous points. Être décontracté du gland est une attitude oscillant entre l’apathie béate post coïtum et le lymphatisme généré par la chaleur épaisse des langueurs océanes², bref une affection de l’âme accessible par la consommation de produits illicites ou par la production d’hormones adolescentes pubères.
Dans les deux cas le résultat est un niveau de je-m’en-foutisme équivalent à celui de quiconque se trouvant communément constitué, fait face à l’équation de Schrödinger (iћ∂ψ(r,t)/∂t=-ћ²∆ψ(r,t)/2m+V(r,t)ψ(r,t)). D’aucun, talentueux et mâtin (et peu mathématique), l’avait onomatopé en rhââ lovely… mais ceci est une autre histoire.
Être décontracté du gland suppose un environnement propice à ladite légèreté et seules les années surannées ont su regrouper les conditions nécessaires à son épanouissement, allant même jusqu’à les rendre abordables par le plus grand nombre grâce à des manifestations publiques : Woodstock Music and Art Fair, festival de l’île de Wight, Summer of love, etc.
Être décontracté du gland jaillit au grand jour en 1974 grâce à Bertrand Blier et au talent d’écorché de Patrick Dewaere, à la gouaille de Gérard Depardieu et à l’innocence de Miou-Miou³. Jean-Claude conduisant une DS (la voiture du président de la République pour situer le niveau de transgression) s’adresse à son poto Pierrot :
– On n’est pas bien là ?
– Si.
– Paisibles… À la fraîche… Décontractés du gland. Et on bandera quand on aura envie de bander.
Le langage ne le sait pas encore mais il vient de toucher au sacré en matière de composition surannée. Être décontracté du gland ne trouvera jamais de synonyme digne de son niveau, et sa disparition en désuétude est accélérée par le furieusement tendance politiquement correct qui émerge en même temps que les mocassins à glands portés par des types du même fruit.
Le 16 juillet 1982, Pierrot, alias Patrick Deweare, emporte avec lui l’art d’être décontracté du gland.
Hors Jamaïque et Laos, il est désormais totalement impossible de faire usage d’être décontracté du gland. Sa simple évocation vaut anathème dans une époque qui se doit d’être stressée parce que tout doit chaque jour aller plus vite que la veille.
Dans la plupart des cas, le djeuns’ se dira au calme (abrégé en OKLM), laissant apparaître une forme de décontraction nettement moins portée sur les considérations génésiques que ses aînés du suranné.
C’est certainement très bien. Mais qu’est ce que Patrick Dewaere me manque.
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