[la flèS dy part] (loc. GUER.)
Cupidon, fils espiègle de Vénus, aimait à balancer des flèches au hasard et regarder où elles pouvaient tomber. J’ai fait pareil avec des ballons de baudruche emplis d’eau depuis le quatrième étage mais n’ai pas connu le même succès que le mignon ailé. Mais ceci est une autre histoire (qui me valut une bonne fessée).
Revenons sur la flèche qui touche au hasard car c’est elle que nous visons ici. Ou qui nous vise, c’est selon.
Il était en des temps ancestraux où l’homme semblait prendre un certain plaisir à se foutre sur la gueule avec ses congénères, ce qui, me direz-vous ne change pas vraiment des temps actuels et là, je vous répondrai que vous avez raison mais que j’avais besoin de la phrase pour situer l’origine de l’expression, il était en des temps ancestraux, donc, de farouches guerriers de l’Empire arsacide, là-bas dans la lointaine perse antique.
Ces Parthes, avec Arsace 1er de Parthie à leur tête, sont de fins tacticiens de la guerre et éradiquent leurs ennemis avec la manœuvre suivante : les cavaliers simulent une fuite, et, poursuivis qu’ils sont par l’ennemi, tirent des flèches en arrière par dessus leur épaule. Le belligérant pourchassant, tout concentré qu’il est sur sa cavalcade qu’il imagine triomphante, ne voit pas tomber la pluie mortelle du ciel : il en ploie et trépasse.
La flèche du Parthe est cette ultime pointe aiguë balancée sur celui qui se croyait vainqueur et se retrouve touché, incapable de rendre le coup encaissé. Marcus Licinius Crassus et vingt mille de ses légionnaires seront les plus célèbres victimes, en 53 av. JC à Carrhes, de la flèche du Parthe.
C’est Plutarque qui raconte la bataille et grave la légende de la flèche du Parthe dans un marbre qui perdurera jusqu’à une époque plus placide où la flèche n’est qu’une saillie verbale qui peut cependant s’avérer tout autant désastreuse. Car la vanne de fin de discussion, celle qui attaque le physique (pourtant on avait dit : pas le physique), celle qui balance un vieux dossier, celle qui laisse bouche bée, est devenue la flèche du Parthe en époque moderne.
La locution est cependant très peu utilisée par le contemporain spécialisé en vachardises, tours de cochon, rosseries et autre vacheries, dont on voit bien qu’il préfère faire porter à une animalité supposée pernicieuse son indélicatesse blessante. Le syntagme qui tue, aiguisé et ourdi pendant de longues heures ou fulgurant comme l’atemi d’un sensei, préfère se nommer petite phrase (en politique), punch line (en angliche dans le texte), ou encore je ne te l’avais jamais dit mais… (en anamour).
Moins historique que la flèche du Parthe mais tout aussi meurtrier.