[sâ bal é ê mars] (gr. nom. CHOCOL.)
Il existe une échelle graduée de l’exigence, débutant au « Je veux » et terminant au caprice de starlette prenant son bain dans du Cristal de Roederer, tout en ayant pris soin de passer par « Je suis une Princesse ».
Mais vous le saviez déjà.
Enfin tout ça c’est dans le monde moderne.
Car dans les limbes oubliés du monde suranné il demeure hors champ un degré supérieur à l’autoritarisme et à la revendication; une forme despotique de requête qui entraîne en général une réponse dont la formule s’est perdue depuis que deux de ses éléments sont devenus surannés eux aussi et l’ont ainsi entraînée dans l’oubli.
Le franc puisque c’est bien d’argent dont il s’agit avant tout, a cessé d’être une unité monétaire le 1er janvier 2002. Concomitamment, les balles l’ont suivi dans l’abîme oublieux. 100 balles ne font désormais plus rien et surtout pas 100 francs.
Tu ne veux pas cent balles et un Mars ?
On entend bien de-ci de-là que s’établissent des poches de résistance qui transforment les euros en balles mais on ne sait jamais si un euro c’est cent balles comme l’était un franc ou si cent euros font cent balles. D’autant plus qu’un euro n’a jamais fait un franc. Bref, c’est le binz.
L’autre donnée incriminée est gourmande.
Née en 1932 sur le territoire britannique d’un père américain qui se nommait Milky Way, la barre chocolatée Mars est un chocolat-malt nougat enrobé avec du caramel recouvert de chocolat au lait. Si elle s’exprime publicitairement dans les mémoire des vieux cons surannés avec son slogan, « Un coup de barre ? Mars et ça repart »¹, elle est aussi présente avec le grisbi susnommé dans cent balles et un Mars. Et c’est d’elle dont il nous faut gloser.
« Tu ne veux pas cent balles et un Mars ? » est cette fameuse réponse à toute sommation jugée trop tyrannique évoquée princeps.
Marque impertinente et provocatrice de l’impossibilité morale de répondre à une demande autocratique, sorte de cerise que l’on viendrait poser sur un gâteau en pièce montée symbole du refus répété, cent balles et un Mars est l’ultime affront que pourra recevoir le requérant trop exigeant. Pour que vous compreniez, amis gourmands ayant peu pratiqué le franc, cent balles, soit un franc, est une somme facilement accessible dans les années surannées et c’est d’ailleurs à peu de centimes près celle d’une barre chocolatée. La moquerie est dans la somme de ces valeurs.
Si l’on traduit en langue moderne cent balles et un Mars équivaut plus ou moins à cinquante centimes d’euros. « Tu ne veux pas cent balles et un Mars ? » revient à un pourboire de loufiat en sus de l’exhortation. Un camouflet, ni plus ni moins.
Disparition du franc et modification du marché chocolatier en snacking (l’objectif demeurant de vous faire avaler des composition hyper caloriques qui permettront ensuite de vous vendre leurs cousines lights puis de vous diriger vers l’industrie du mincir en plats pré-cuisinés dûment tarifés) ont donc fait disparaître de la bouche des rebelles cette parole digne de Mirabeau² : cent balles et un Mars.
Le moderne n’est pas impertinent.
À une doléance folle il répond directement : non. C’est du brut, c’est direct, pas subtil pour deux ronds, c’est du contemporain.
Mais que voulez vous que le suranné y fasse ?
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