[lé dö dâtèn dö] (gr. nom. TV.)
Il était une fois (mais une seule alors), un temps où il n’était pas encore de l’argent. On pouvait le prendre, le regarder passer tout en faisant des ronds dans l’eau et ne pas le gâcher, le laisser filer tranquillement puisqu’il ne comptait pas. C’était le temps du suranné qui s’infiltrait jusque dans la télé, c’est vous dire !
D’interlude étonnant en speakerine fou-riante, le petit écran était libre comme le serait la radio un peu plus tard puis l’Internet encore plus tard, mais ceci est une autre histoire.
Sur la deux, qui était juste après la une et sensiblement proche de la trois, ce trio pourvoyant la globalité des possibilités télévisuelles¹, sur la deux donc se faufilaient régulièrement les 2 d’Antenne 2, occupant de leurs querelles dessinées et de leurs amours animées un temps aléatoire et non précieux qui ferait défaillir d’apoplexie tout gestionnaire moderne de temps d’antenne en charge de la commercialisation de la moindre micro-seconde d’émission.
Les 2 d’Antenne 2 étaient composés de 2 reptiliens et de A majuscules, les premiers nettement plus remuants que les seconds, patauds à souhait. Un grand nombre d’aventures sans queue ni tête les opposaient où les liaient, c’était selon, mais 2 et A s’en donnaient à cœur joie. Ces épisodes permettaient de comprendre subtilement combien les chiffres étaient violents : A géant éventré, 2 immolé par l’un de ses camarades, 2 emprisonné dans une boîte, etc. Le 2 passait son temps à se foutre sur le nez avec le A ou d’autres 2. Le 2 est belliqueux, c’est ainsi.
A et 2 initiales d’Antenne 2 s’étripaient donc en public et nul censeur n’y trouvait à redire. La guerre dura quelques années (1977-1985) sur des notes de musique synthétiques créées par Jean-Jacques Perrey, pionnier de la musique électronique sur Moog.
Les 2 d’Antenne 2 cessèrent les hostilités lorsqu’un stratège qui réfléchit s’aperçut que le combat affiché du chiffre et de la lettre ne contribuaient guère à une image sereine pour une chaîne télévisée. En réalité le chiffre venait de l’emporter. Désormais il faudrait en faire, et du rentable.
Les années qui suivirent avec la concurrence d’une TF1 privatisée et d’une Cinq scintillante comme une roue de la fortune pour millionnaire du grattage, piétinèrent allègrement le champ d’honneur où était tombée la lettre A.
La lettre surannée n’a, depuis, plus droit de cité à l’écran. Reste le chiffre.