[avalër de pwa ɡri] (gr. n. CUIS.)
Lorsque deux des sept péchés capitaux s’allient pour former un vice encore plus vil, il nous faut appeler au secours la langue surannée pour lui donner un nom. Au secours ! Langue surannée !
J’arrive, j’arrive, nous répond le langage haletant qui se hâte pour mêler avarice et gourmandise en avaleur de pois gris. J’arrive, j’arrive et je dépose devant vous cette belle expression qui propose de gober une plante potagère venue de la lointaine Antiquité.
Il est plus que probable que l’origine de la recette vienne des cuisines de Louis XIV qui, dit-on dans le milieu culinaro-historique, appréciait particulièrement les pois Capucine, autre nom du pois gris¹. Certainement parce qu’en matière d’avaleurs de pois gris on trouvait tout ce qu’il faut à la cour du roi Soleil : maltôtiers, parasites gloutons, radins congénitaux, profiteurs en tous genres, nobliaux siphonneux… avaleurs de pois gris pris son essor en ce XVIIᵉ siècle où Versailles rasait gratis.
Las, l’avaleur de pois gris qui ne délie jamais sa bourse nuit gravement aux finances, que ce soit celles du royaume de France ou celles de son hôte, et son coup de fourchette et sa pingrerie feront s’en aller en eau de boudin recettes et recettes.
La prolifération des avaleurs de pois gris poussera ce zélé Colbert à plumer l’oie sans la faire crier, ce qu’elle finira néanmoins par faire, vociférant des demandes frumentaires avant de s’énerver plus fortement et d’aller jusqu’à couper la tête au successeur numéro 16 du 14ᵉ monarque suscité.
Échaudé par l’échafaud, l’avaleur de pois gris se fera tout petit et emportera dans son exil les graines de la légumineuse. Le moderne à qui il faut rappeler de manger fruits et légumes (c’est dire…) n’utilisera jamais l’expression.