[ténisbarby] (n. comp.SET)
Non, on ne s’ennuyait pas dans les temps surannés. Non, ami djeuns’, même sans wifi et appareils électroniques connectés, on savait s’amuser.
Parmi les jeux les plus populaires en vigueur, tout un chacun pouvait s’adonner aux plaisirs du tennis-barbu. Sans même posséder une Donnay Allwood, la maîtrise d’Iceborg ou son passing shot, sans nécessité aucune d’avoir le caractère de McEnroe, et surtout sans besoin de réserver un court, il était possible de jouer un tennis-barbu.
Pas la peine non plus de s’équiper en barbu. Et pour cause : le tennis-barbu consiste à s’écrier « Quinze pour moi ! » lorsque l’on croise un barbu dans la rue. Comme au tennis, le deuxième vaut trente point et le troisième quarante. Un barbu de plus et on remporte le jeu. Le set se remporte en six jeux (avec deux jeux d’avance) et le match peut se jouer en deux ou trois sets.
Le tennis-barbu est un jeu d’observation et de patience car en ces temps d’alors, la barbe est l’apanage du révolutionnaire cubain au premier rang desquels trône le non-encore iconique Che Guevara, c’est dire que les barbudos ne courent pas les rues des villes et villages de France.
Le système pileux désordonné des hippies perturbera à peine les parties endiablées de tennis-barbu, les beatnik demeurant majoritairement cantonnés sur le plateau du Larzac.
Les premiers coups portés à ce sport seront assénés par de doctes professeurs de lettres pris d’une soudaine lubie collective consistant à relier leurs deux oreilles par une bande poilue de quelques centimètres de large, dite « collier de barbe ». Devenu trop facile, le tennis-barbu ne peut plus se jouer au lycée ou à l’université.
Et c’est le moderne qui, une fois de plus, rendra suranné le tennis-barbu en portant au firmament une bien étrange figure couverte de poils oints de précieux onguents et entretenus par de maniérés merlans : le hipster.
Le hipster courant les rues, il empêchera bien malgré lui la tenue de la moindre partie de tennis-barbu, précipitant dans les limbes oublieuses le joyeux « Quinze pour moi ! ».