[le klëb êfòrmatik] (struct. soc. IF-THEN)
IF, THEN, GOTO, CTRL, XOFF. Dans une pièce froide comme une chambre du même nom, des lycéens avec écharpe de Katmandou (via la porte de Clignancourt) autour du cou¹, un clavier sous les doigts et un écran monochrome épais comme un téléviseur devant les yeux, s’initient au BASIC, au FORTRAN, et à d’autres langages qui deviendront eux aussi très rapidement surannés.
Mais ils ne le savent pas encore; pour l’instant, ils forment les membres assidus du Club informatique.
Alors qu’IBM vient à peine de lancer aux États-Unis son Personal Computer sous MS-DOS 1.0, le 12 août 1981, il faut que tu saches, ami djeuns’, que l’ordinateur est encore une énorme machine avec des diodes clignotantes, des bandes magnétiques, et que seuls quelques élus sont autorisés à l’approcher : il faut faire partie du Club informatique !
Peu nombreux sont ceux que cela intéresse, même si détenir la carte du Club informatique permet de doubler tout le monde à la cantine en brandissant bien haut le sésame sur Bristol avec photo d’identité et tampon officiel². Jouer au foot dans la cour ou commenter les performances scéniques d’Angus Young sur Highway to Hell rapportées par les vrais rebelles qui étaient au concert du Bourget prend déjà une bonne partie de l’emploi du temps, alors le Club informatique…
Le Club informatique peine à recruter malgré le prosélytisme passionné du professeur de sciences physiques qui semble considérer que le dialogue homme-machine a de l’avenir et pourrait même constituer une filière d’orientation majeure pour les années à venir. Mais peut-on prendre aux sérieux les prophéties d’un homme qui passe son temps à verser de l’acide sur tous les matériaux possibles et imaginables et à nous faire noter les différentes couleurs de fumées que nous observons alors ?
Noël 1982 : les plus solides du Club informatique reçoivent un Commodore 64 pour cadeau. Nous ne les reverrons jamais sur un terrain de foot. Pire encore, deux ans plus tard ils effaceront AC/DC de leur sac US pour y dessiner une pomme croquée, symbole de leur nouvelle passion.
Le Club informatique devient suranné à l’orée de l’ère moderne, quand l’informatique change de nom pour numérique dans le langage commun (et nul besoin d’un Club numérique puisque chacun l’est désormais, numérique). La société de l’information et de la communication prend ses quartiers un peu partout, rendant numérique la musique, les livres, la photographie… Les anciens du Club informatique ont réussi leur coup; on voit leur pomme croquée partout.