[refulé a bôdi] (loc. loc. 93.)
Face à l’adversité véhémente (celle des débats politique ou celle, plus importante, des rivalités de clochers distants de quelques kilomètres) le langage suranné formule deux propositions : laisser pisser le mérinos ou envoyer promener.
Lorsqu’il s’agit de faire usage de la seconde avec un dose substantielle de vulgarité, on dira qu’on a refoulé à Bondy le contradicteur trop pénible.
L’expression refouler à Bondy puise sa source dans la matière fécale que Paris y dépose depuis le 13 juin 1845¹ pour faire sécher à l’air libre dans les champs de la ville cette production des fosses septiques de ses immeubles et donner de la poudrette, un engrais réputé comme le meilleur qui soit. C’est un tuyau souterrain qui fait transiter les matières liquides depuis la capitale, le solide arrivant quant à lui par bateau via le canal de l’Ourcq. Et sur place, de grandes machines à vapeur étalent la précieuse cargaison et ses miasmes sur les trente quatre hectares qui leur sont réservés.
Autant dire que ça sent fort à Bondy…
À tel point que l’année 1880 sera nommée « année de la puanteur » grâce à la contribution active de dix mille tonnes de matière organique épandues sur cette fameuse voirie de Bondy (l’usine de la Compagnie Parisienne des Vidanges et Engrais en charge de leur traitement fermera plusieurs mois pour cause d’insalubrité).
À cette date, refouler à Bondy est donc indéboulonnable comme synonyme d’envoyer valser avec les compliments de la maison et l’expression est d’un usage courant, largement supérieur à celui d’aller se faire empapaouter par exemple.
Bien entendu refouler à Bondy demande une connaissance approfondie du bréviaire des insultes et des gestes les plus vulgaires : un simple faquin ou un trop léger maraud ne suffisent pas. Il faut de la puterelle, de la coureuse de rempart et même du **********². Quand on refoule à Bondy ce n’est pas avec légèreté et il n’est pas question que ça sente la rose. Refouler à Bondy c’est du lourd, du qui pue bien comme il faut.
À partir de 1897, grâce à l’égout qui court sous le sol parisien, la production de l’engrais nauséabond qui empestait la terre bondynoise décline et envoie en surannéité une expression pourtant bien utile. En 1931 on perd toute trace de la poudrette et refouler à Bondy ne signifie pratiquement plus invectiver avec exaltation et exhalaison.
C’est à cette époque que le langage fleuri fait son apparition. Mais ceci est une autre histoire.