[se fâdre le tru du kyl â katr] (loc. médic. VIT.)
La vitesse surannée n’a rien à voir avec la vitesse moderne.
Non seulement parce qu’elle est moins rapide (100 km/h constituant par exemple une barrière mythique) mais aussi et surtout parce qu’elle bénéficie d’une expression particulière pour s’exprimer, l’une de ces locutions que l’unique langue d’avant la novlangue destructrice peut produire.
Se fendre le trou du cul en quatre n’a que d’approximatifs synonymes contemporains comme le très insipide « aller vite », le trop technique « mettre le turbo » ou l’insupportable et toujours mensonger « haut débit ».
Aucun ne lui arrive à la cheville pour ce qui est de l’image projetée : se fendre le trou du cul en quatre détient une force d’expression à nulle autre pareille.
S’il est plus sûr de se fendre le trou du cul en quatre tout seul, on peut y être contraint lors d’un mouvement de groupe par exemple, surtout si l’on représente le lambin de la bande : « fends-toi le trou du cul en quatre » sera entendu dans ce cas en guise d’invitation à se manier le baba.
La langue doit cette expression à Charles-François Félix, chirurgien devenu célèbre grâce à l’opération d’une fistule anale qu’il pratiqua sur Louis XIV, celui-ci retrouvant ensuite sa vélocité dans ses déplacements¹.
Avant de réaliser la Grande opération, Félix s’était entraîné sur une centaine de malades à leur fendre le trou du cul en quatre, perfectionnant son geste (parfois fatal à l’époque) et ses instruments de travail. Il était en effet hors de question de trifouiller le popotin royal à la va-comme-j’te-pousse.
Le 18 novembre 1686, vers dix heures du matin et après trois heures d’opération, se fendre le trou du cul en quatre devient donc expression royale et se voit partagée instantanément dans tout le pays avec la bonne nouvelle d’un Roi-Soleil à l’anus étoilé et guéri.
À la première cour d’Europe où l’on ne sait qu’inventer pour s’attirer les grâces du monarque, on se bouscule alors pour se faire fractionner la fistule. Et l’on use et abuse de se fendre le trou du cul en quatre, glissant l’expression dans toute conversation.
Un succès qui durera jusqu’à ce que les lointains successeurs modernes et non numérotés du chef de l’État omettent de faire connaître leur santé ou mentent sur leurs maux. Une attitude navrante qui rendra surannée se fendre le trou du cul en quatre, faisant perdre à la langue française un peu de son prestige.
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