[â parlé a sô Seval] (loc. iron. HUN.)
Même dans son expression d’une forme affirmée de mépris pour le propos lénifiant d’un interlocuteur, la langue surannée fait montre d’une certaine délicatesse qu’elle teinte d’ironie pour bien se faire comprendre.
Elle a à cet effet bâti en parler à son cheval, locution originale qui ne nécessite pas de posséder une écurie d’étalons ou un vieux percheron pour en faire bon usage. Mieux encore, l’absence de tout animal en renforce le sarcasme.
J’en parlerai à mon cheval ou, plus rarement, j’en parlerai à mon cheval et s’il rigole je lui brosse les dents, remonte néanmoins à cette époque ancestrale où l’homme fait la conquête de l’equus caballus, soit aux alentours de -3500 avant notre ère, et où les deux tourtereaux¹ vivent d’amour et d’eau fraîche un quotidien limpide et sans accrocs.
Tu sais,
Je n’ai jamais été aussi heureux que ce matin-là
Nous marchions sur une steppe un peu comme celle-ci...
En parler à son cheval ne possède alors pas de tonalité goguenarde puisque chaque heureux propriétaire de cavale parle effectivement à son plus proche et souvent unique compagnon pendant leurs cavalcades dans les steppes kazakhes. Attila discute par exemple de tout et de rien avec Balamer qui, étrangement, demeurera célèbre non pas pour l’écoute attentive qu’il porte aux propos du roi des Huns mais pour son effet désherbant là où il passe (mais ceci est une autre histoire).
Rossinante et Don Quichotte s’entendent à merveille et Bucéphale porte Alexandre vers son destin de conquérant tout en l’écoutant attentivement. Quant à Vizir, il suit son maître dans son exil à Sainte Hélène pour que l’empereur puisse lui causer du port d’Ajaccio.
Il faudra donc attendre le moteur à explosion et la voiture qui chassent l’équidé du quotidien pour que la bascule se fasse vers le sens irrévérencieux qui fait le succès d’en parler à son cheval.
Là, au cœur des années surannées, alors que De Dion-Bouton, Panhard & Levassor font du cheval vapeur la référence de la traction, en parler à son cheval s’épanouit comme la réponse idéale au pénible qui sait tout, au pesant sentencieux, au fâcheux moraliste. Rien de mieux que l’annonce de cette conversation pour envoyer paître le casse-pieds.
C’est d’ailleurs cette popularité unique que l’industrie cinématographique va chercher à s’accaparer en donnant en 1998 à l’une de ses productions chargée d’aller moissonner les blés, le titre de L’Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux.
Et comme à Hollywood on ne rigole pas avec le grisbi², on fait cesser sur le champ cet en parler à son cheval un peu trop insolent qui pourrait empêcher la larmichette et l’argent de couler.
Lorsque s’ouvre le nouveau millénaire, en parler à son cheval a totalement disparu du langage.
Suranné le dialogue avec un canasson. Hors de modernité l’impertinent et son dialogue équin.
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