[fö òrâZ] (obj. rout. SIGNAL.)
Chaque époque, chaque lieu, possède une odeur; inoubliable.
C’est la partie surannée du cerveau qui entretient le souvenir faisant du fumet d’une tarte aux pommes celui qui rappellera grand-mère, d’un parfum jamais oublié la fragrance d’un amour pour toujours, et du mélange plastiques plus Feu orange l’odeur improbable du voyage en voiture.
Avec sa base noire cartonnée, son rond rouge son rond vert et sa demi-sphère biseautée placée entre les deux, Feu orange a marqué de son empreinte olfactive quiconque a effectué un trajet en voiture dans les temps surannés. De la Cx à la 205GTi, de la 4L à la Renault 25 en passant par la 12, la 19 et la 21, Feu orange se dandine au rétroviseur intérieur, percé par une aiguille dont seule la tête rouge dépasse du boitier comme un signal de bon fonctionnement.
Feu orange, une senteur indéfinissable
Ainsi Feu orange diffuse dans l’habitacle une senteur indéfinissable qui vient mêler ses effluves à la fumée des Gitanes du conducteur, à Brut 33 for men de Fabergé, « l’essence de l’homme », et à tout ce que ces quelques mètres cubes d’air confiné veulent bien accueillir (chien mouillé, vents impétueux de digestion hâtive, pied gauche ayant marché dans la chance, etc.).
Feu orange doit sa dénomination au travail de la société Duco qui a su profiter de la dyschromatopsie des ronds-de-cuir rédacteurs de l’article R412-31 du Code de la route (ceux-ci voyant dans le feu de signalisation une couleur jaune¹) sans risquer les foudres d’une administration toujours encline à défendre violemment son pré carré.
Depuis le 5 mai 1923 et la pose du premier feu de signalisation au croisement des boulevards Saint-Denis et Sébastopol à Paris, elle surveille en effet avec l’attention d’une louve tout ce qui se trame autour des feux rouge, vert… et jaune, régnant sans partage sur les cinq secondes d’allumage de la dernière couleur hors agglomération et sa variante de trois secondes en ville, la forme ronde des vitres striées protégeant les ampoules et la longueur du capuchon cachant la lumière artificielle ordonnant marche et arrêt de celle du soleil.
Mais elle ne peut empêcher Feu orange de rejoindre prestement tout ce qui roule sur quatre roues en France et dans le monde² et de devenir un succès sans pareil.
Une fois n’est pas coutume, la chute de Feu orange sera provoquée non par un quelconque objet moderne 2.0 mais par un Arbre magique en forme de sapin venu du fin fond de son Amérique natale où il poussait depuis 1952.
Il s’agit là d’un cas unique ou le ringard supplante le suranné.
D’orange, le symbole de la senteur automobile passe au vert.
Et le voyage familial ou le simple trajet en taxi n’ont plus le même parfum.