[prâdr le ku de létrijé] (loc. alcool. CHEV.)
Entre boire et conduire il n’a pas toujours fallu choisir.
Plus encore, en ces temps d’une conscience parfois embuée par un petit vin blanc qui se prend sous les tonnelles aussi bien qu’à l’école¹, boire avant de partir est même conseillé, porté dans le langage par l’expression prendre le coup de l’étrier.
Prendre le coup de l’étrier c’est s’en jeter un petit dernier derrière la cravate avant de s’enquiller la Nationale 7 depuis la Porte d’Italie jusqu’à Lyon, parce que près de cinq cents bornes en De Dion-Bouton ça passe plus vite en étant rond.
Ce synonyme de prendre un dernier verre (qui le sera peut-être) pour se donner de l’allant utilise l’étrier pour justifier son impériosité depuis ces temps lointains où les trajets sont longs mais se font à dos d’un canasson docile qui retrouvera le bercail même si le cavalier s’est assoupi sur son encolure.
Prendre le coup de l’étrier revient donc à prendre un coup pour le tenir, le coup, avant de prendre la route ou son service, au risque de prendre un coup de massue si le dernier coup était celui d’une longue série.
Allez, le coup de l’étrier et j’y vais, c’est que j’ai de la route
Notons que l’invitation à monter prendre un dernier verre ne peut être faite avec l’expression prendre le coup de l’étrier, même par un étalon auto-proclamé ou supposé tel. « Tu montes prendre le coup de l’étrier ? » paraîtrait en effet trop direct et dévoilerait sans fard les intentions libidineuses de l’invitant enclin à montrer ses estampes japonaises à l’invitée (mais ceci est une autre histoire).
Cette réserve d’usage ne nuira pas à la très large diffusion de prendre le coup de l’étrier dans un pays marqué par sa culture de la langue riche et du raisin fermenté.
Le 16 février 1984, un slogan incitant à faire du 3 le chiffre du dernier coup va tout changer.
Le succès sans précédent de « Un verre, ça va. Trois verres bonjour les dégâts. » lancé par le Comité français d’éducation pour la santé va rendre rapidement suranné prendre le coup de l’étrier.
Ces quelques mots grattés par Daniel Robert et illustrés par Cabu mettant en scène son beauf accoudé au zinc du Balto, vont avoir raison du petit dernier devenu ridicule s’il vient juste après le deuxième (dit perfusion, ou petite sœur ou encore échauffement).
L’esprit du coup de l’étrier se fane dans un monde qui a, depuis quelques années déjà, troqué ses bourrins capables de reconduire leur cavalier à la maison contre des voitures qui filent à plus de 100km/h conduites par des bourrins bourrés.
Boire ou conduire, il faut désormais choisir.