[parlé o tru dy ky dên‿ an] (loc. bavard. BAUD.)
Souvent le bavard lasse. Pour peu qu’il exerce sa logorrhée au petit déjeuner d’un lendemain de goguette, il irrite.
De même la pipelette agace. Et mettre du papier dans la sonnette s’utilise pour implorer qu’elle se taise.
Mais du calme opportunément revenu chacun sait qu’il n’est que provisoire tant ces deux bons grelots pourraient parler au trou du cul d’un âne comme le veut la formule imagée que leur consacre le langage suranné.
Choisi parmi une flopée d’orifice incapables d’émettre une parole compréhensible, l’anus asinien a paru le plus propre à même de rendre compte de cet empêchement. Malgré la rude concurrence du groin de cochon, de la fistule royale de Louis XIV ou même de l’origine du monde, tous inaptes à converser, c’est donc le trou du cul d’un âne qui est devenu le dernier interlocuteur possible au rabâcheur pénible. C’est dire l’étendu du problème.
Souhaitant montrer ce de quoi est capable l’impénitent bavard, les linguistes ont en effet échafaudé cette formule ouvertement triviale. Parler au trou du cul d’un âne rebuterait évidemment l’homme de la rue et des champs, et preuve est immédiatement faite que celui qui continuerait à jacter face à cet inhabituel interlocuteur serait une exception, un cas.
Rares sont d’ailleurs les orateurs ne s’offusquant pas d’un parterre d’attentifs as de pique de mulets. Seuls ceux qui s’écoutent pisser n’ont que faire de parler à des nœuds de ballons plutôt qu’à des visages humains.
La partie méridionale de la France comptant à la fois le plus d’ânes et de bavards verra bien logiquement se développer l’expression que des terres plus taiseuses n’utiliseront quant à elles que rarement. Notons que la Corse fait exception à la règle avec son contingent non négligeable de baudets et sa culture des mots tus, aucune utilisation de parler au trou du cul d’un âne n’y ayant jamais été référencée¹.
Lorsqu’au début des années d’exode rural l’âne profitera de l’inattention polie dont il faisait l’objet pour se faire la malle – ne demeurant présent que dans les jardins citadins afin de promener la marmaille – parler au trou du cul d’un âne périclitera tranquillement, chargeant au passage le rural d’un phrasé peu châtié n’ayant pas sa place en modernité.
Même le plus prolixe des discoureurs de la ville ne saurait désormais parler au trou du cul d’un âne lorsqu’il déploie sa pensée : l’expression est totalement surannée.