[tyrbiɡo dâ le pataf] (loc. MEDEC.)
Pour soigner l’enfant malade (au temps ancestral du suranné) il n’y a que deux solutions : une cuiller à soupe d’eau sucrée du bon docteur Placebo (prescrite pour toute blessure liée à une chute de vélo, piqûre de guêpe, doigt coincé dans la porte) ou un turbigo dans le pataf (nécessaire en cas de fièvre, maladie contagieuse, etc.).
Il s’agit là d’automédication bien entendu, l’art de la saignée et celui de la thaumaturgie appartenant à des spécialistes dont il n’est pas question ici de bafouer l’autorité.
Le turbigo dans le pataf est l’expression consacrée pour l’introduction d’un suppositoire via les voies naturelles prévues à cet effet. Une forme poétique qui évite d’avoir à parler d’application par voie rectale d’une forme galénique solide, et surtout une forme qui passe parce qu’elle fait se marrer l’alité. Et l’alité aime à rire car ça l’aide à guérir¹.
Il est probable que Toutankhamon et ses contemporains aient en leur temps usé du turbigo dans le pataf, les égyptologues ne s’accordant pas tous sur ce point pas plus que sur l’orthographe hiéroglyphique de l’expression² mais ces professionnels aiment à débattre des lustres, ça les occupe. Ce qui est certain c’est qu’au XVIIᵉ siècle, dans La Pharmacopée universelle, Nicolas Lémery, apothicaire de son état, en donne une formulation à base de miel solidifié. Une formulation qui permet au turbigo de se sucrer le pataf au passage…
Il faudra attendre 1762 pour que s’introduisent³ les premiers suppositoires à base de beurre de cacao qui dureront jusqu’aux années 40 du XXᵉ siècle. Oui, le turbigo dans le pataf est au goût chocolat en ce temps là.
Avant d’être suppo, Turbigo est une ville d’Italie par laquelle transitèrent les troupes de Napoléon III avant d’aller mettre la pâtée aux Autrichiens à Magenta, mais nul ne sait vraiment si ces exploits guerriers valent allégorie. Concomitamment il convient de préciser en ces lignes que la rue de Turbigo (1er 2e et 3e arrondissement de Paris) est bien un hommage à la campagne d’Italie et non à l’industrie pharmaceutique qui a le bras long mais tout de même !
Coquelusedal, Dulcolax, Eductyl tiennent lieu désormais de turbigo. Leurs différentes notices d’utilisation ne font aucunement mention du moindre pataf pour procéder à leur administration. La pharmacopée, cette moderne, a banni turbigo dans le pataf (quand je vous dis que cette industrie est puissante).
Ce n’est pas comme ça qu’on va guérir.