[a plat kutyːʁ] (gr. n. BONET.)
Ding dong🎶. Nous entrons dans une zone surannée et violente, aussi le personnel de bord vous prie-t-il d’attacher vos ceintures. Merci.
Oui je préférais vous prévenir sinon j’ai des ennuis avec les plus sensibles d’entre vous qui m’accusent de promouvoir la violence faite aux mots, les tacles par derrière les deux pieds décollés et la propagation des idées qui mèneront notre société droit dans le mur et même qu’après ce sera bien fait pour moi si les zombies me capturent et me mangent.
Dans cette zone surannée puisqu’elle fait mention d’une expression des tailleurs de jadis, c’est à dire d’avant le prêt-à-porter, d’avant les couleurs selon Desigual et d’avant l’apposition outrancière et vulgaire des signes distinctifs selon Dolce & Gabbana, il va être question de défaite, de déculottée, de revers, de déroute, de déconfiture, de débâcle, de raclée, de dérouillée, de branlée.
À plate couture ne peut en effet se départir de son verbe battre (transitif). Lorsque l’on est battu à plate couture c’est qu’on s’est vraiment pris une rossée de derrière les fagots, une qu’on n’est pas près d’oublier, une de celles qui marquent l’histoire qu’elle soit de France ou du village mais en tout cas une sacrée rouste.
Il se dit que cette expression guerrière nous viendrait de l’exigence des couturiers d’autrefois qui écrasaient avec leur dé à coudre pour les aplatir les coutures trop saillantes de leurs créations… Non que je veuille remettre en cause le travail des éminents chercheurs, linguistes et autres spécialistes qui seront arrivés à cette conclusion mais j’admets tout de même un certain scepticisme à cette explication. L’aplatissement d’une couture à coups de dé à coudre ne me semble pas être un geste d’une inouïe violence.
Ne me faites pas dire ce que je n’ai même pas pensé : je sais bien que le monde de la mode peut être d’une certaine irascibilité. On se crêpe le chignon entre mannequins égéries, on se hait cordialement entre génies créatifs, Yves Saint-Laurent lui-même pouvait entrer dans des colères destructrices et je n’aimerais pas que Karl Lagerfeld m’en colle une avec le poing américain qu’il porte en permanence. Mais on est loin des chocs frontaux d’un France vs. Nouvelle-Zélande de l’ovalie ou d’un OM vs. PSG de la belle époque Denisot et Tapie.
Je n’ai cela dit pas mieux à proposer. Si tu mets la misère à ton adversaire, si tu lui flanques une rouste, si tu l’emportes haut la main, alors tu l’as battu à plate couture. Si c’est toi qui te retrouves dans ce rôle de la boursouflure écrasée je te conseille l’humilité et le travail. De fil en aiguille tu retrouveras ce qui fait la victoire : l’étoffe des héros.