À la venvole [a la vɑ̃vɔl]

[a la vɑ̃vɔl] (loc. adv. LÉG.)

Cette expression là fait partie de mes chéries surannées. Elle porte un tel parfum de grand-mère ! Un parfum de violette (les grands-mères sentent toujours la violette) virevoltant par un vent léger puisque c’est ce qu’elle signifie. À la venvole est de la plus délicieuse légèreté, précieuse comme il le faut, gracieusement sophistiquée, caressante comme un zéphyr, fluide comme le battement de cils d’un bisou papillon. À la venvole est à elle seule une poésie lorsqu’elle décrit une façon d’être, une manière d’envisager l’action. À la venvole est si jolie qu’elle ne devrait s’écrire qu’à la plume pour qu’on l’entende frôler la trame du papier et puis s’évanouir après trois points de suspension…

Je ne le savais pas mais À la venvole fut même le titre d’un recueil de poèmes de Georges Brassens paru en 1942 et édité à cinquante exemplaires. Je ne l’ai pas lu, le bon maître me le pardonne. Je crois que j’aime à la venvole parce qu’elle contient un subtil cocktail d’inconscience et de désinvolture, d’insouciance enfantine et d’allégresse du moment. À la venvole n’est qu’un souffle, un instant et c’est ça qui est bon. Pas de routine à la venvole, pas de répétition et d’ennui, elle ne fait que passer. C’est une brise qui agite de jolis cheveux blonds sur le bord de la plage pour cacher l’espace d’une seconde des yeux bleus amoureux.

À la venvole pardonne même le plus complet des négligés puisqu’il est dû au hasard, ce morceau si particulier du temps auquel il faut bien se soumettre quand on ne sait plus comment faire ou qu’on est fatigué. Faites attention, à la venvole ne se travaille pas, elle est spontanée et naturelle ou elle n’est pas, c’est une grâce. Seuls quelques peintres aux dons exacerbés, quelques photographes à l’œil acéré, quelques poètes aux mots aiguisés, quelques réalisateurs courageux et chanceux, quelques compositeurs inspirés, quelques sculpteurs comprenant la matière ont pu imaginer la capturer. Ils en ont fait des chefs-d’œuvre. Des années de travail, d’à-peu-près, de labeur, de bien de bon, et puis un jour, à la venvole l’instant parfait.

Je l’ai tellement citée ici qu’elle pourrait m’en vouloir. J’ai dû laisser à la venvole filer, j’attendrai qu’elle revienne.