[afyté dy mònako] (loc. monét. FLOUZ.)
Passée l’époque de l’économie du troc au langage rustique et fruste (sans quoi il aurait été facile d’argumenter qu’un pot en terre cuite ne valait pas une peau d’auroch), vint celle de la monnaie sonnante et trébuchante.
Dès lors unique mesure de tout et de n’importe quoi¹, la sesterce, le sol, la couronne ou le florin, le franc, s’imposèrent en graal d’une quête quotidienne opérée en travail, escroquerie, boursicotage ou affairisme, la fin justifiant les moyens.
Cet irrépréhensible besoin de gagner de l’argent sembla trouver en affûter du monaco une iconoclaste expression.
Il est en effet visible qu’elle cherche à dissimuler toute son âpreté derrière sa structure éloignée du parler de banquier. Là où faire du blé, palper les biftons, engranger du grisbi, moissonner l’avoine, ramasser les pépètes, sont immédiatement décodées par le premier vénal venu, affûter du monaco s’en tire mieux.
Affûter du monaco pourrait aussi bien commander une deuxième tournée de mélange bière-limonade-grenadine que préparer une lame dont la maison Grimaldi aura plus d’une fois à faire usage pour défendre son rocher.
Il faut être initié et jaspiner arguche pour savoir que derrière ce monaco emprunté à l’un des deux plus petits États du monde se cache le pognon. Et savoir, donc, que lorsqu’en 1837 Honoré V de Monaco, prince souverain, se met en tête de battre monnaie à son avantageuse effigie, il le fait avec des pièces de cuivre logiquement dénommées monacos qui ne rencontrent pas le succès escompté et deviennent vite de simples sous sans autre particularité.
De sous à flouze il n’y a qu’un souffle que le peuple à la gouaille gouleyante s’empressera d’exhaler, ajoutant affûter quand il s’agira d’en gagner puisque c’est là l’autre sens de ce verbe.
Les autorités de la principauté ensoleillée ne s’en offusqueront pas et laisseront affûter du monaco parcourir la France par monts et pas vaux, y trouvant certainement une forme d’expansion conforme au statut de paradis fiscal de leurs deux kilomètres carrés.
En 1986, l’ouragan qui passe sur Monaco et qu’on ne peut plus arrêter emporte tout.
Comme un ouragan…
Vision d’image d’un voyage qui s’achève comme une nuit sans rêve, une bataille sans trêve², comme le chantera avec enthousiasme l’une des représentantes de la famille princière (mais ceci est une autre histoire), affûter du monaco s’abîme en surannéité tandis que Son Altesse Sérénissime la Princesse Stéphanie de Monaco comtesse de Polignac récolte les talbins avec plus d’un million de 45T vendus.
La tempête – en moi – a balayé le passé et affûter le monaco par la même occasion.